mardi, janvier 30, 2007

Telle mère, telle fille !

Episode 1.

A trente ans, d'un strict point de vue social, la fille est un remarquable modèle de réussite intellectuelle. De la même manière que certaines machines à laver ont été construites pour durer, notre robot humain a été conçu pour réussir. Elle a intégré dans ses circuits super mimétiques l'idéologie de la bourgeoisie universitaire selon laquelle un bon intellectuel est un étudiant bardé de diplômes comme autant d'assurances tous risques. De pensée, elle n'en a aucune. Il faut dire qu'elle n'en voit pas vraiment l'utilité, puisque pour elle ce qui n'est pas utile est dénué d'intérêt.
C'est ainsi qu'elle a abandonné tout contact avec l'art et la littérature. Sa mère était encore trop liée aux utopies pour aimer la lecture d'un grand roman. Elle-même s'est repliée sur les langues étrangères. Dans tous les sens du terme : la langue qu'elle a embrassée correspond parfaitement à la nationalité de son mari. Italiano. Un peu comme ces femmes qui ne consentent qu'à sortir avec des Noirs ou des Arabes, elle ne pouvait sortir qu'avec un macho.
Attention! N'allez pas vous imaginer qu'elle chercherait la domination sous la virilité. C'est exactement l'inverse. Elle a retenu à sa sauce la leçon maternelle : pour trouver le bonheur en amour, il faut dominer. C'est exactement ce à quoi elle prétend, la domination.
Domination amoureuse : choisir un homme au menton carré et aux idées courtes, qui se réfugiera dans la musculation et fuira l'affrontement comme la peste. Un homme de qualité, qui trouvera la certitude sous la domination féminine. Les biceps sont parfois le meilleur paravent derrière lesquels se tapit et s'abrite la faiblesse. La faiblesse est trait d'esprit redoutable. On la prend pour gentillesse, alors qu'elle est son exact opposé. Le faible se montre gentil avant les problèmes. Quand ils pointent le bout de leur naseau frémissant, il se fait méchant, fort du principe que la force est la girouette personnelle vers laquelle il s'incline toujours. Sa raison de vivre et de mourir. Il n'est que d'imiter.
Notre fille a trouvé son Rital de service. Qu'il est craquant, avec ses poils d'ours ténébreux et ses yeux revolvers qui lancent des flammes quand il est contrarié ! Qu'elle a bien fait son choix! Il ne court pas la gueuse et les boîtes comme son ex (qu'elle trompait de ce fait avec enthousiasme et bien-pensance) et il n'est pas autoritaire primaire comme les Rebeus de banlieue avec lesquels elle s'est encanaillée. Il faut dire qu'elle n'a pas accompli un exploit en le dénichant à la faculté. Il lui suffit de se contempler dans un miroir pour savoir qu'elle constitue un rapport qualité/prix de la melleure engeance : avec ses gros seins et ses yeux verts, ses faux airs d'Italienne prétentieuse et sa façon d'avaler les mots en roulant des pupilles (elle estime que c'est le signe du charme et du raffinement!), elle avait de quoi prétendre à l'homo maritalus auquel elle aspirait!
Elle l'a obtenu sans forcer, quand elle a compris que courir les ratés allait finir par desservir ses aspirations intellectuelles ! Comme il est encore plus mimétique qu'elle, il recopie sa réussite avec l'admiration du borné béat. Elle est devenue universitaire grâce aux complots de maman? C'est que maman incarne la Voie juste, la Voie droite! Le Rital n'en revient pas. Il est persuadé d'avoir épousé un Génie. D'ailleurs, l'heure est aux femmes. A quand les femmes-génies sortant de leur théière magique pour exaucer les voeux? Les siens se sont trouvés comblés par la grâce de la révolution féministe.
La preuve? Sa femme a réussi l'agrégation d'italien du premier coup, elle a eu un garçon, puis une fille du premier coup, elle est devenue maître de conférence du premier coup! C'est bien simple, c'est tout simplement un premier coup tout court! Il faut toujours s'incliner devant les femmes et ne pas chercher midi à quatorze heures quand il devient évident qu'elles vous mènent à la baguette et vous considèrent comme leur animal de compagnie doué de langage. L'aveuglement et le silence portent bonheur. L'intelligence subversive, malheur.
Le génie de sa femme? Génétique! Oui, vous ne rêvez pas, le miracle athée s'est produit : la mère a transmis à la fille son gène de génie! Les deux ont ce don incroyable d'être capable de traduire n'importe quelle version en n'importe quel thème et n'importe quel thème en n'importe quelle version! Quelles variations et quelles rengaines! En plus, elles ont dans le sang cette prodigieuse faculté de compartimenter n'importe quel texte en trois parties, neuf sous-parties et quatre-vingt une sous-sous-parties! De la virtuosité, du grand art! Du chef-d'oeuvre, n'ayons pas peur des mots!
Lui se sent incapable d'autre chose de plus productif que de soulever de la fonte. Raison pour laquelle il a entrepris une thèse. Pour faire intelligent en société, l'air de rien. Il vit pour la réussite de sa femme en pariant qu'elle rejaillira bien un jour sur sa petite personne. En enfant de l'Occident discipliné (bête et méchant?), il croit dur comme fer que le mimétisme est la clé de l'épanouissement personnel et que les intrigues sont les plus sûrs outils pour accéder au pouvoir.
Qu'il a bien retenu les leçons dont sa femme dispose de manière innée, depuis la naissance! Bien entendu, n'allez pas lui dire qu'il est arriviste, il se fout de la politique comme de sa première chemise! La politique, c'est pas bien, surtout quand c'est Berlusconi qui s'y colle! Sa profession de foi proférée, il fermes les yeux et dort du sommeil du juste.
Sa femme n'en peut plus de finir sa thèse. Elle ne voit pas l'intérêt de lire Dante ou Pétrarque. Maintenant qu'elle est universitaire du premier coup, pourquoi s'échiner à terminer ce qui se trouve dénué de tout intérêt? Chercheuse? Elle préfère ses gosses! Elle s'ennuierait ferme dans son existence chloroformée et ultra formatée si elle ne disposait pas de ces recours qui lui donnent de l'énergie sans qu'elle sache bien au juste pourquoi.
Cette ultraefficace a dédié sa vie à la réussite. Tout est minuté, programmé, le temps ne vaut que saucissonné. Elle adule sa mère, cette femme remarquable qui lui a permis de réussir à ce point sa vie, de lui donner un mari aimant, deux enfants qui réussissent, un travail prestigieux... Il ne lui manque qu'une chose : pourquoi diable son frère rate-t-il tout ce qu'il entreprend? Leur mère ne lui avait-il pas donné toutes les cartes en main pour gravir les échelons de la société? Pourquoi n'est-il pas devenu ingénieur s'il voulait faire montre d'indépendance à son égard ? Pourquoi n'a-t-il pas suivi le Modèle de la Réussite telle qu'elle-même s'y est tenue avec scrupule et discipline?
Le chemin était pourtant simple : tant que la réussite était au bout, tous les moyens étaient bons. Tout ce qui n'apparaisait pas n'existait pas. Mnipulation, mensonge, arrivisme... D'excellents moyens de parvenir aux Fins! Les amis étaient des concurrents dont il fallait se servir pour progresser et avancer. A défaut de posséder cette utilité, ils étaient jetés comme de vieilles chaussettes pourries. S'ils présentaient quelque vernis inutile, comme d'être sympathiques ou intelligents, ils méritaient l'attention et le divertissement de temps en temps - car il faut aussi se divertir pour réussir.
Le reste était jeté impitoyablement aux orties, avec la maladie par excellence : la remise en question. Force lui était de constater qu'elle buttait contre une réalité qui lui demeurait indéchiffrable : loin de l'imiter, son frère, cet aîné falot et déséquilibré, n'avait jamais réussir à dominer ses copines ou à présenter beau. Il fallait se rendre à l'évidence : c'était un raté. Comme son père. Le hasard génétique avait bien mal fait sa besogne! Il fallait bien que quelques malheurs obscurcissent son horizon personnel sans taches. Son frère était une tache à lui tout seul ? Ce n'était pas son problème! Elle ferait en sorte que, dans le tableau familial, son fils ne soit pas qu'un beau brun ténébreux, mais personnifie la perfection au masculin. Un poste de grand cadre dans le haut commerce ou la haute finance ferait toujours l'affaire. Elle ne savait pourquoi, mais son frère était atteint de la passion des requins. Elle aurait bien vu son rejeton trader et sa fille universitaire. Pas forcément italianisante. La répétition faisait trop servile. Il n'était pas question que sa fille perde de sa liberté et de son indépendance! Pourquoi pas sémiologue ou un des ces noms qui ronflent et renflent en dodelinant de la tête ? Décidément, que la vie était belle!

3 commentaires:

Voyante a dit…

J'ai juste envie de vous faire découvrir ce site, que j'ai trouvé très agréable!

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Félicitations pour cet excellent travail et de nous donner l’opportunité de ’glander’ intelligemment !

Anonyme a dit…

Excellent dossier, continue dans cette voie

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