samedi, janvier 13, 2007

Les méthodes de la télévision

On a tout essayé est en passe de devenir une institution. OATE passe du lundi au vendredi entre 19 et 20 heures, avant le sacro-saint journal. Ruquier présente une émission impertinente entouré de son équipe de chroniqueurs. D'emblée la production donne le ton : Barma n'est-elle pas la complice d'Ardisson? On connaît la définition de l'impertinence selon Ardisson : générer l'affrontement permanent pour laisser croire que la démocratie se résume à la foire d'empoigne. Les spectateurs sont friands de scandale.
Ruquier ne s'habille pas en noir. Il est tendance. Ce gay qui a fait son coming out se veut insolent, intelligent et artiste. Il écrit des pièdes de théâtre qui connaissent le succès. Ruquier est une projection réussie d'Ardisson - tout comme Laurent Baffie est un artiste cultivé. Pour Ardisson, la publicité était une transition avant l'Art. Pour échapper à son enfer professionnel, il eut recours au roman historique. On connaît la suite : le plagiat et le discrédit.
Ardisson s'est donc recyclé en homme de télévision, ce qui en dit long sur les hommes de télévision : ce sont des plagiaires, soit créateurs ratés. Autrement dit : la télévision à l'heure actuelle (depuis toujours et pour toujours?) prétend à la création alors qu'elle n'est que la voix de la répétition servile. En l'occurrence, l'artiste selon Ardisson est un humoriste professionnel qui s'est lancé dans un genre littéraire - souvent le théâtre comme récurrence de la mise en scène permanente.
Ruquier se veut d'autant plus impertinent qu'il est en fait homme de télévision, c'est-à-dire un humoriste qui s'est pérennisé (d'ailleurs, Ruquier fut un temps humoriste avant de réussir à la télévision grâce à Ardisson). L'humoriste professionnel est le bouffon du pouvoir qui fait mine de remettre en cause l'ordre pour mieux le conforter. Ruquier fait mine d'ébranler (pardon pour le vilain jeu de mots!) ce qu'il s'empresse dans le même temps de mieux asseoir.
Ruquier prétend à l'impertinence en invitant Steevie pour disposer sur son plateau du benêt de service. Finalement, à y bien regarder, le boulet est encore le plus sympathique de la bande des crapules sympathiques qui compose l'émission. Ou le plus intelligent : car il faut être diablement culotté pour faire son beurre sur la perversité des gens.
G. Miller ou P. Bénichou sont les intellectuels-bouffons du manège. Bénichou est l'insolent; Miller le psy mao. Le coup de génie du système aveugle, c'est d'avoir conforté son influence en convoquant des contestataires assujettis à sa cause. Miller n'est pas plus mao que Bénichou n'est insolent. C'est un contempteur-zélateur du système, un grand bourgeois dont l'intérêt est de se donner à peu de frais le visage de la rébellion populo-intellectuelle. Comme ces cyniques gens sont méprisants! Miller est le guerillero d'On a tout essayé. On a les Che que l'on peut, mon Prince... Grâce à Dailymotion, cet outil d'information décalé prodigieux, j'ai eu l'occasion de revoir deux épisodes savoureux.
Le premier mettait en scène l'avocat Jacques Vergès, invité pour l'occasion en tant qu'auteur de la Démocratie à visage découvert. Vergès n'est pas une autorité inattaquable, loin s'en faut. Il a été accusé d'être du côté des monstres politiques qu'il défendit (Barbie ou Carlos) et d'avoir disparu pendant les années 70. Il se complaît dans cette image trouble qu'il cultive à dessein par des poses mystérieuses et une assurance inébranlable.
D'entrée de jeu, on sent que les chroniqueurs brûlent de lui signifier leur haine impitoyable. Bénichou s'y colle avec un plaisir manifeste. Il commence par l'agresser en lui affichant son mépris. Vergès aurait laissé entendre, lors du procès Barbie, qu'une femme ne pouvait être violée par un chien de la Gestapo. Bénichou, solennel et moraliste, assure qu'il en a fini avec l'invité. Il tiendra quelques secondes avant de se lancer dans un numéro de facétieux sarcastique, coupant l'invité sans cesse et sans vergogne pour abreuver les spectateurs de ses bons mots. Les hommes de télévision sont experts dans l'art de couper la parole, comme si ce manque de savoir-vivre constituait la norme. René Girard l'avait constaté lors d'une émission de FOG.
Le meilleur n'est pas encore venu. Après l'humoriste moraliste, la bécasse repue de sa crasse. Une intervenante aussi agressive que manifestement imbécile réussit l'exploit rhétorique de la soirée : elle commence par expliquer à Vergès qu'elle se montrera moins partiale que ses collègues ("ce ne sera pas difficile", lui répond avec malice Vergès), avant de lui asséner que son livre est un torche-cul! Vergès n'aura aucune peine à mettre en lumière son argumentaire ridicule et pathétique.
Au final, l'avocat trimphera. Il lancera à ses procureurs médiatiques que leurs cris le comblent d'aise. Vergès distinguait-il dans ses vis-àvis les incarnations de cette démocratie à visage obscène qu'il dénonce non sans une certaine duplicité? Il n'est pas certain que le spectateur ait discerné dans l'affrontement la victoire du Bien sur le Mal. Pour ma part, j'ai trouvé que les défenseurs de la démocratie supposée suintait de haine et de moraline!
Le 17 octobre 2006, Ruquier reçoit Nabe. L'écrivain traîne comme un boulet sa première apparition médiatique à Apostrophe. Depuis, il est catalogué écrivain collabo. Raciste. Antisémite. Violent. Nous allons voir comment la télévision reproche aux apologètes de la violence leur violence avec un surplus de violence. Vergès s'était félicité de ne pas apercevoir parmi les chroniqueurs Gérard Miller, frère du psychanalyste Jacques-Alain Miller, gendre et légataire intellectuel de Jacques Lacan.
Cette fois, Miller est de la partie. Il trépigne, Miller, même Ruquier, manifestement gêné, le fait remarquer. Il faut préciser que Nabe et Miller ont eu plusieurs passes d'armes lors d'anciennes émissions. Nabe est un provocateur qui ne recule devant aucune outrance. Ruquier présente à peine Nabe. L'affaire est entendue et huilée : Miller est chargé, avec un plaisir non dissimulé, de l'exécution. Exécution symbolique, qui sonne comme le glas. Si vous voulez passer à la télé, gare! Voyez comme l'on traite les renégats!
Effectivement, l'ancien maoïste traite Nabe de "salaud lumineux" et le compare à Rebattet et Céline - pour Céline, la comparaison n'est pas seulement trop élogieuse : elle est saugrenue. Du coup, Nabe quitte le plateau. Le but est atteint : tous les médias relaieront l'esclandre. Nabe joue certes à la victime, mais force est de constater qu'il est traité comme un chien, avce l'accord tacite de tous les participants.
Ces manières de se comporter sont méprisables. Miller pourrait les revendiquer sans hypothèque comme dignes descendantes du maoïsme. Elles ne sont en tout cas pas dignes de la démocratie, ni du service public. Qu'on laisse s'agiter ces clowns sinistres qui n'attendent que de perpétrer leur sadisme débilitant en dit long sur l'idéologie qui secoue le PAF!
La télévision est le mime du pouvoir. Elle est l'expression du système dominant selon lequel la démocratie exprime la suprématie de l'économique sur le politique. La télévision est persuadée d'incarner le Bien, un peu comme W. dans sa Croisade postmoderne et surtout surréaliste. Du coup, elle s'autorise les pires châtiments. Sous prétexte de défendre la démocratie, la télévision serait-elle devenue totalitaire? Miller retrouverait-il, dans sa défense implicite du système médiatique, le goût sanguinaire de ses apologies de jeunesse?
Ce totalitarisme est d'autant plus exacerbé qu'il n'a pas d'adversaires viables. Nabe profère des absurdités incoulables, qui le discréditent à jamais. Les critiques conséquentes de la langue de bois médiatique et de son apologie du système occidental dominant ne viennent pas à la télévision - ou dans des émissions confidentielles logées à des heures fort tardives. Ils savent trop quel guet-appens les attendrait! Ceux qui sont conviés aux heures de grande écoute sont des personnages qui prêtent facilement le flanc au discrédit. Cas de Nabe en tant que réincarnation du nazillon de service d'avant-guerre, avec la touche artistique chère à Ruquier. Manifestement, selon Ruquier, l'artiste porte le soupçon du scandale dans ses bottes. Serait-ce parce que Ruquier est un homosexuel qui aurait aimé être artiste maudit?
Cas aussi de Gérard de Villiers, l'auteur (entre autres) des SAS, qu'Ardisson invita sur le plateau de Tout le monde en parle pour l'exécuter en tant qu'ignoble raciste. Venant d'Ardisson, l'accusation ne manque ni de sel, ni de fiel. Jean-Pierre Foucault en profita pour signifier son plus complet mépris (après Bénichou, décidément, c'est une manie des moralistes!), sous les applaudissements à tout rompre des spectateurs comblés de ces jeux du cirques modernes et soft.
Si l'on résume : on invite des personnages douteux pour mieux les éreinter et conforter à rebours le discours dominant. Le système ne doit pas être si mauvais pour ne générer que des adversaires aussi odieux, aussi violents, aussi extrêmes. L'auto-justification coule de source : nous ne sommes peut-être pas parfaits, mais contemplez l'étendue de ces monstres. Ne vaut-il pas mieux subir notre joug que de supporter leurs méthodes sanguinaires? Voilà comment le totalitarisme moderne se réclame de la démocratie pour attaquer les résurgences d'anciennes formes totalitaristes avec l'appui des complaisants, des formatés et des menteurs.
Non que l'Occident vive sous le totalitarisme liberticide tel que d'autres régimes l'imposent. Mais la chape de plomb est telle qu'il est devenu difficile de laisser percer dans les médias des voix contestataires sur la marche du monde telle que la mènent nos puissants. Rarement système n'oeuvra avec autant de finesse pour empêcher la contestation sans se discréditer. Alors qu'auparavant on réduisait l'opposition au silence par le sang, aujourd'hui, on étouffe sa voix sous un monceau de protestations discordantes. Qui osera opposer au système de l'ultralibéralisme mondialisé qui se forme une parole de sagesse enfin viable?

3 commentaires:

rosi a dit…

Merci pour ce très bon site, vraiment un panaché de bonnes et intéressantes idées. Surtout continuez ainsi. Bon courage
Cordialement

voyance par mail gratuite ; voyance gratuite mail

Anonyme a dit…

Une pause comme une respiration, nécessaire !
A très bientôt !

voyance gratuite

Julia a dit…

Merci pour ce très bon site, vraiment un panaché de bonnes et intéressantes idées. Surtout continuez ainsi. Bon courage
Cordialement

Voyance en ligne gratuite et rapide