mardi, janvier 16, 2007

Portrait en coin d'une technicienne de surface littéraire

Elle a la trentaine, n'est ni moche, ni belle, n'est pas mariée. Ou plutôt divorcée. Elle a la haine des hommes chevillée au corps. Autant dire qu'elle a eu de la chance d'être passée si proche de la nymphomanie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle son mari l'a quittée. C'est dur de supporter une hystérique à longueur de soirées.
Il avait cru épouser une intellectuelle, une petite prof de français qui en avait dans la cervelle. Il se retrouvait avec une pétasse qui lui retournait systématiquement la calebasse. Depuis qu'il l'avait quittée, il dormait du sommeil du juste. C'est qu'il en avait perdu le sommeil, de ce divorce.
Qu'il avait eu raison de se montrer pragmatique! A présent, il était débarrassé de la folle, comme il la nommait. Cinq années ont passé. Elle a pleuré, elle a chialé, elle a vidé son sac, mais depuis, elle s'est rétablie tant bien que mal. Grâce au travail. Le travail a toujours été sa ligne de conduite et sa carotte. Sa marotte. La raison sociale qui lui permettait de sauver la face. Sans le travail, voilà longtemps qu'elle aurait découpé son voisin à la scie.
Au lieu de ce regrettable dérapage, elle a même sympathisé en salle des profs. Deux grognasses lui tiennent lieu de collègues de collège. Elles forment le trio idéal. Les deux collègues ne sont pas belles, elles sont mariées, elles ont des mioches. Le modèle qu'elle cherche avec désespoir. Ce qu'elle veut? Elle vendrait son royaume pour un géniteur. Elle est prête à toutes les compromissions pour assouvir son besoin de maternité et endosser les habits de mère. Tout ce qui compte est de la galerie. Le reste, elle s'en moque.
Quoi qu'elle laisse entendre en salle des profs, voilà bien longtemps qu'elle n'a pas eu d'aventures. Elle a beau surveiller ses fesses et sa ligne, elle hait trop les hommes pour s'en approcher. Pour elle, c'est sans conteste leur faute. Ils l'ont même contrainte à chercher secours auprès d'un psy! Il faut dire que pour soigner son spleen, elle en était venue à désirer coucher avec le premier venu. Le plus humiliant demeurait l'absence de candidats potentiels. Un soir, à bout de nerfs, elle se laissa aller. Depuis quelque temps, de drôles de désirs l'assaillaient. Coucher avec un élève, voilà qui la vengerait.
A quinze ans, ils avaient encore cette candeur que les cons de quarnte ans ne présentent plus depuis longtemps. En plus, il était arabe et avait déjà un torse de lutteur. Un petit banlieusard aux faux airs de voyou violent. Elle n'avait ressenti aucun plaisir à passer à la casserole. Il était trop excité de se vautrer sur le corps de sa prof. Le kif absolu! Elle l'avait fait pour échapper à l'odeur de vomi qui l'assaillait parfois quand elle pensait à sa situation.
Le suicide ne l'avait jamais effleurée. Le psy lui avait permis de ne plus enfreindre la loi. Si elle s'était fait prendre, quelles rebuffades n'aurait-elle essuyé! Même ses collègues se seraient défiées d'elles. Un jour, elle crut trouver le prince charmant. Un petit jeune remplaçait le vieux dinosaure qu'elle jalousait parce qu'il était hors classes. Comme elle ne l'aimait pas, elle s'empressa de concevoir à son encontre des désirs de paternité partagée.
Elle qui avait raté l'agrégation à quelques points n'en pouvait plus de se rêver un destin de professeur en IUFM. Personne ne la comprenait. L'inspecteur qui l'avait visitée l'avait à peine regardée. Trop autoritaire et cassante, qu'il lui avait notifié. Elle lui aurait bien arraché les dents et les yeux avec une fourchette sur une table de la cantine! Elle avait courbé l'échine, devant la pression sociale.
Le petit jeune n'était pas le beau présomptueux dont elle rêvait, mais il ne fallait pas prendre ses rêves pour des réalités. Surtout, surtout, il avait l'air gentil. Tout ce dont elle rêvait pour mieux l'enrôler dans ses desseins professionnels et matrimoniaux. Et puis, elle le voyait bien promener le chien qu'elle avait acheté après le divorce. Un caniche bien dressé, qui remuait la queue quand il avait faim. De temps en temps, elle accompagnerait ses deux toutous en poussant le marmot dans la poussette. Un rêve à la Amélie Poullain.
Elle serait mère! Ce projet lui permettrait de ne plus rentrer de ses après-midis de cours en pleurant chaque fois qu'une collègue à qui elle était contrainte de sourire annonçait avec triomphe un embryon dans le bide! Mère, c'était sa fin, celle qui lui pemrmettrait d'accéder au statut sacré qu'octroie la société à toutes les bécasses qui consentent aux souffrances de l'accouchement ! Elle serait enfin quelqu'un! Elle aurait de quoi exhiber son ventre rebondi, parler de (fausses) couches et d'autres colifichets avec ses amies!
Au lieu de quoi elle était contrainte d'endoser l'humiliation de la solitude! Elle préférait de loin les chiens aux hommes, mais les chiens ne faisaient pas de chats! C'était d'un homme dont elle avait besoin! Pas de ceux dont elle se servait régulièrement comme bouc émissaires pour passer sa hargne de harpie ! Elle avait déjà monté la salle des profs contre le professeur de musique, ce bellâtre qui jouait les Don Juan racé en ayant l'air de ne vivre que pour ma musique! Un musicien raté qui vivait par la bite! Un collègue d'histoire, contractuel de surcroît, avait eu le mauvais goût de la draguer. Elle s'était empressée de l'accuser de viol, trop heureuse qu'on lui prête de l'attention, même de surface.
Le jeune premier n'était pas si gentil qu'il présentait. Il avait du caractère. Pis, il avait l'impudence d'ignorer ses avances et de préférer les franches parties de rigolade avec le collègue qu'elle détestait le plus, un vieux beau qui se targuait de baiser le plus de jeunettes possibles avant l'âge de la retraite. Tous les hommes qui n'étaient pas des géniteurs potentiels méritaient la décapitation.
Elle en vint à le détester tant et si bien qu'elle le trouva bête, méchant, incompétent, paresseux et j'en passe. Avec ses deux amies, elles déchaînèrent leur furie en salle des profs, entre deux paquets de copies et de réunions inutiles, n'hésitant pas à le calomnier ouvertement, à le traiter de drogué, d'homosexuel ou d'alcoolique. Rien n'y faisait, plus elle pensait à lui, plus elle s'en éloignait.
De désespoir, elle monta la salle des profs contre sa pauvre personne. Désormais, il avait le culot de ne plus lui prêter la moindre attention! Elle arriva bien à mobiliser quelques moralisateurs qui n'attendaient qu'un prétexte pour déverser leur trop-plein de fiel inavouable. Las! personne ne la suivait vraiment. Etre seul avec sa haine est chose pénible. Elle en vint à détester la Terre entière.
Tous n'étaient que de vils moutons dont elle retrouvait les traces cruelles dans les extraits de manuels dédiés à Rabelais. Elle fonça chez le psy qui l'avait tirée de l'homicide. Après l'avoir dévisagée avec perplexité, il lui conseilla les annonces matrimoniales et les nouveautés d'Internet. Mais, à l'exeption d'un vieux paysan qui cherchait le moyen d'assurer la descendance agricole, elle fit chou blanc. Sa frénésie de meurtre refit surface.
Comment dégoupiller l'arsouille? Elle n'en pouvait plus de le voir, de lui dire bonjour, de lui cacher la haine qu'elle éprouvait en proportion de la déception qu'il avait générée! Elle ne connaissait même pas sa vie, il n'avait jamais daigné lui parler de ses petites copines ou de sa solitude. Alors elle n'eut d'autre choix que de lui faire payer le prix fort. Elle se détermina à lui envoyer de terribles lettres d'insultes, anonymes et perverses, de justes vengeances qui le décrédibilserait un peu plus. Qu'il demande sa mutation et qu'on n'en parle plus!
A ce moment, le prince charmant chuta à ses pieds. Un cadre complexé et castré qui ne demandait qu'à tomber sur la première âme pour faire des gosses et encaisser sans un mot. Le bon plan. L'âme soeur! Cette idylle ne fit que renforcer son dépit, d'autant que le collègue s'entendait avec toutes celles qu'elle ne parvenait à encadrer, les jolies, les intelligentes, les drôles, j'en passe et des meilleures.
Le premier envoi dont elle le gratifia contenait l'espoir de la vengeance repue. Il pleurerait en salle des profs et elle passerait à autre chose, avec la satisfaction du justen enfin comblé. La vie s'était tant acharnée contre sa pauvre personne! C'était en fin d'année et elle n'en pouvait plus. Elle était toujours remontée contre la Terre entière à cette époque, d'autant qu'elle voyait bien qu'on se détournait d'elle, qu'on la traitait d'hystérique ou de pétasse, qu'elle se retrouvait à ricaner de plus en plus doucement et rarement avec ses deux béquilles, ces mamans qui engrossaient comme des oies d'élevage tous les deux printemps. Elle n'y parvenait pas... Elle se retrouvait à poireauter chez le généraliste, qui lui répétait qu'elle était une grande anxieuse et que son tour viendrait. Encore un tocard dont la gratifait la nature !
Heureusement, pendant les grandes vacances, alors qu'elle n'avait pas hésité à traiter le mauvais coucheur de pédophile, sa gynécologue l'informa de la bonne nouvelle : elle mettrait bas dans neuf mois ! Ca y est, elle pourrait traiter d'égale à égale avec ses amies, avec sa belle-soeur, avec la nature, avec la société, quoi ! De guerre lasse, sauvée par le Ciel et la Morale, elle gratifia le sale jeune qui lui servait de collègue d'un courrier mensuel qui suivait ses saignements menstruels.
Le pire? Aucune conversation n'apportait d'écho réconfortant à ses oreilles avides. Personne ne marchait. Personne n'en parlait. Le jeune s'en moquait-il comme de son premier caleçon ? Etait-ce possible? Elle partit en arrêt maladie de neuf mois.
Elle allait enfin encourager les vociférations d'un petit monstre qui reproduirait le modèle maternel et niquerait la Terre entière. Un avorton arriviste en mieux qu'elle, bardé de diplômes prestigieux, donc inattaquable aux yeux des bobos et des snobs. Comme elle, il ne lirait jamais un livre, comme elle, il compterait les ronds avant d'acheter une bicoque. Lui serait riche.
Au final, le collègue partit. Il avait amassé les points escomptés. Sans même un dernier regard. Elle ne se sentait même pas soulagée de sa vengenace avortée. Quelle injustice que ce fripon qui n'avait pas reçu sa leçon. Qu'allait-elle trouver, maintenant qu'elle n'avait plus les moyens d'assouvir sa haine ? Son gosse ne lui suffisait pas, entre deux taitées, et son mari ne lui serait d'une quelconque utilité que pour les engrossements (soit encore deux, pour satisfaire à la moyenne nationale).
Elle conçut de dépit une violente attirance pour l'une de ses deux collègues. Sa grosse tignasse blonde de mal baisée et son épais cul étaient des appâts qui ne se refusaient pas. Allait-elle réussir dans ce projet grandiose qui lui permettrait de boucler la boucle?
Elle avait profité de deux envolées hystériques de la collègue-amie pour la bécoter dans les toilettes. Mais l'autre se dérobait ou affectait de ne pas voir le manège. Encore une ignorante qui lui faisait le numéro des hommes ! Les femmes étaient-elles pires que les hommes? Ce n'était pas envisageable! Allait-elle lui signifier ses mauvais procédés en la gratifiant de lettres anonymes déjantées ?
Une amie de dix ans! C'eût été un crève-coeur! Au moins cet objectif lui permettait-il de ne pas sombrer dans la dépression et de garder le sens de la vie. Elle en était certaine, elle triompherait. Elle n'avat jamais supporté qu'on se mette en travers de sa route. Ce n'était pas maintenant, en pleine apothéose, qu'elle laisserait les choses pérécliter!

2 commentaires:

Unknown a dit…

Grâce à votre site je viens d’appendre plusieurs choses. Continuez !

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voyance amour a dit…

Merci pour ce billet très agréable… et souriant (pour un sujet pas évident) !