samedi, février 10, 2007

Mirage

"Nous ne reconnaîtrons jamais Israël. Il n'existe pas d'entité nommée Israël, ni dans la réalité ni dans l'imagination", a affirmé Nizar Rayyane, un haut responsable du Hamas dans la bande de Gaza. Cette déclaration est remarquable en ce qu'elle occulte l'élément principal qui bloque l'acceptation de la réalité. Le plus intrigant est le lien opéré entre réel et imaginaire. Comme si le fanatisme consistait moins en un refus du réalisme qu'en une dénégation de l'imagination. On prétend souvent que le refus du réel dans ses aspects dérangeants découle d'un manque de réalisme. Je crains fort que ce ne soit l'inverse : le refus du réel découle plutôt du manque d'imagination. L'imaginaire est précisément notre plus sûr lien avec le réel. En réfutant l'existence fantasmatique d'Israël, le dénommé Rayyane indique que la source de l'altérité et de sa reconnaissance se situe dans l'imagination. L'obsessionnel et le stéréotypé proviennent d'un manque d'imagination, soit d'une déformation de la représentation, qui voudrait que le réel ne change pas dans ses manifestations. Déclarer qu'Israël n'existe pas alors que tous les indicateurs prouvent le contraire n'est pas seulement la croyance au mirage inversé - soit l'illusion selon laquelle le réel est un mirage et le mirage le vrai indicateur du réel. On objectera sans doute que Rayyane est un politicien mû par des objectifs très pragmatiques (soit, à ses yeux, la défense du peuple palestinien). C'est justement sa manière d'aborder la politique qui pose problème et montre à quel point le peuple palestinien est dirigé par de bien mauvais guides : en affirmant ainsi, sans ambages, que l'art de gouverner répudie l'imaginaire au profit du réel, il dévoile l'étendue de son contresens. Son incapacité à s'ancrer dans le réel provient bel et bien de sa pauvreté en fantasmes, non d'une luxuriance hyperbolique.

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