mardi, janvier 16, 2007

Jamel'show

Je suis tombé hier sur un extrait d'un spectacle de Jamel Debbouze. Qu'est-ce qu'il est sympathique, le petit Rebeu de banlieue avec sa main dans la poche et ses facéties de gentil gamin des cités! C'est bizarre, je n'ai jamais pu l'encadrer. Il faut dire que je n'aime aucun des comiques professionnels dont on nous rebat les oreilles à longueur de sketches télécommandés. Ni Semoun, ni Dieudonné; ni Timsit, ni Bigard. Aucun de ces figures stéréotypées, en fait. Je ne ris pas sur commande! Quand je pense qu'Arthur s'est lancé dans le one man show comique, ce fait d'armes a de quoi décourager les âmes les plus charitables.
Jamel Debbouze est d'origine marocaine, mais tout le monde dit arabe. Il vient d'une cité du Grand-Paris. Il a tourné dans toutes les superproductions françaises. Amélie Poullain, Astérix, Besson, tous se réclament de l'enfant prodige de Trappes pour exhiber leur générosité et leur découverte télégénique.
Après Zizou le champion flamboyant, Debouzze le comédien attendrissant. Nous tenons nos deux Rebeus qui réussissent! Les ressemblances sont frappantes : comme Zizou, Debbouze est en passe d'incarner la gentillesse tout-terrain mâtinée d'héroïsme consensuel. Plus on est lisse, plus l'image glisse! Debouzze multiplie les opérations de charité à condition que les médias relaient les sus-dites actions.
Zizou est reçu comme un chef d'Etat en Algérie ? Debbouze se charge de la version marocaine des Affaires étrangères! Debouzze lance des comiques de banlieue sur Canal. Il tourne dans Indigènes et contribue à réhabiliter dans les médias l'image des tirailleurs arabes. Les Sénégalais attendront que Patrick Viera se découvre une envergure politique pour que le massacre de Tiaroi soit reconnu. Quant aux Arabes, le travail est fait! Debouzze n'a eu besoin que d'un tournage pour que Chirac prenne la mesure du drame ! Quarante ans que les historiens s'échinaient à faire entendre raison à nos politiciens et Debbouze, d'un claquement de doigt, a rétabli et la Justice et l'Equité!
Justement, il n'est pas certain que Debbouze incarne l'équité. J'inclinerais même à penser qu'il est certain qu'il ne l'incarne pas. La nuance? Notre champion tous-terrains serait plutôt le chantre de la victimisation. On connaît la ritournelle : l'Arabe étant une victime universelle, il est automatiquement du côté du Bien et de la Vertu.
Qu'est-ce qu'il est fort, ce Debbouze! Quand il ne tourne pas, il est en tournée. Il fait se gondoler le public métissé avec des blagues qui fusent de l'improviste (qui au juste écrit les sketches de Debbouze?). Jamel s'est fait connaître en tant que vanneur sur commande. L'esprit Canal, déjà. C'était l'époque où il était drôle. Jamel était impayable dans cet emploi de coordinateur en chef de la chambre. Il avait le physique de l'emploi.
Par contre, son spectacle de comique à sketches préparés et récités est très moyen. Excusez-moi de m'en désoler. C'est énervant, ce racisme inversé, qui rend impossible la critique contre un Arabe. Bigard est vulgaire? Aucun problème. Il est politiquement incorrect de faire remarquer que Debbouze n'est ni Fellag, ni Devos. Je serais Fellag, je serais dégoûté de cette discrimnation négative à son endroit. Etre tellement meilleur et tellement moins reconnu! On a beau parier sur la gloire posthume, se recommander des vers pour la reconnaissance n'est pas d'un réconfort à tout épreuve...
En guise de faux compliment, on dispose en stock du frou-frou faux-cul : Debbouze est meilleur qu'Arthur. Cette constatation ne sonne guère comme un compliment. Serait-ce qu'on célèbre l'humour de Jamel pour mieux taire la souffrance de tous les gosses des cités qui n'ont pas eu la chance de trouver à quelques blagues d'entrée une port(é)e hexagonale ?
Ce n'est pas tout. Hier, j'entendis Debbouze expliquer que si les Français picolaient autant, c'était à cause du Christ. "Buvez, c'est mon sang!", tel était leur slogan atavique. Musulmans, ils auraient avalé le shit tant honni avec la même frénésie? Les gamins de banlieue accrocs aux pétards étaient donc des musulmans pratiquants? Je m'arrêtai, interdit. J'aurais pu commencer par m'étonner du message douteux qui trônait derrière l'humour flageolant : être musulman, était-ce fumer des pétards? Là n'était pas l'essentiel.
Quoi? Jamel s'inscrivait-il dans une ligne de provocation (plus que de cocaïne) où il blasphémait ouvertement le Christ? Que nenni, Debbouze et ceux qui le conseillent savaient que l'attaque contre le Christ relève de la provocation à la mode. Maintenant que la liberté d'expression a fait rendre gorge aux censeurs catholiques, il ne risquait plus de passer pour un bouffeur de curés, ce qui est tellement bien vu de nos jours!
Jamel s'est-il moqué du Prophète? A-t-il mimé Mohamed rentrant d'une bataille et s'ingurgitant un bon chalice de chanvre indien? Jamel se serait-il opposé aux sectaires en marge de la délinquance quand ces hordes fanatisées du monde musulman s'en prirent au Danemark et à l'Occident pour protester contre des caricatures parues dans un journal danois ? En passant : comment se fait-il que les musulmans modérés se taisent face à leurs fanatiques correligionnaires? Auraient-ils peur ou trouvent-ils légitime que le Coran échappe aux lois démocratiques? Debbouze éluderait probablement en bégayant que les banlieusards sont des incompri-pris et des gen-gentils.
Debbouze est trop heureux de faire le comique pour approfondir ses positions politiques. Néanmoins, quand il se pique de politique, le gaillard se donne le beau rôle. Debbouze prétend incarner la générosité? On mesure la limite de ces contestataires de l'humour qui ne se rendent pas compte que leur engagement est d'autant plus démagogique qu'il se déploie sur des terrains inattaquables. Aller reprocher à Zidane de militer pour ELA ou à Debbouze d'aider les mères isolées du Maroc serait aussitôt assimilé à du fascisme et du racisme tacites...
Dans ce cas, taisons-nous et applaudissons à tout rompre ! Vivent nos héros qui contribuent d'une manière si remarquable et décisive à changer la face du monde ! Bien instrumentalisés par les politiciens, ils jouent leur partition consensuelle à la perfection! Bravo! Bravo!
Debbouze est trop heureux de trouver le premier moyen venu pour sacraliser ses racines en les idéalisant. Si on prête l'oreille, l'Orient représente pour ces populations mal intégrées l'horizon de perfection auquel on ne s'est jamais confronté. Toutes les traditions qui viennent du bled sont infiniment bonnes, juré craché sur le Coran! Polygamie, voile ou lapidation comprises ! A ce compte, approuvons les meurtriers qui étranglent leur fille (ou leur soeur) parce qu'elle a eu le culot d'épouser un sale Blanc! Ces héros ne osnt nullement des monstres, ce sont des martyrs incompris! Les sectateurs des valeurs turques ataviques et sacrées ! C'est bizarre, subitement, tout le monde se tait, un grand silence se fait...
L'hypocrisie commence à bien faire. Debbouze n'est pas la voix des victimes, c'est le héros de la victimisation. A chacun sa cause! Je préfère encore les montées de testostérone incontrôlées de Zizou à la rhétorique du ressentiment qui agite Jamel losrque les bons sentiments prennent d'assaut son visage d'ange émacié (toujours cette manie d'appeler des inconnus reconnus par leur prénom ou un surnom).
Debbouze excuse systématiquement les dérapages des banlieusards issus de l'immigration africaine. Ce n'est jamais de leur faute! Debbouze est monté sur scène cautionner les dérapages de Dieudonné en affirmant que Drucker et Macias à la télé, ça commençait à bien faire. Pour Drucker, je suis bien d'accord avec lui, mais j'espère que ce n'est pas (fâcheuse coïncidence) parce que ces deux compagnons de route de la people attitude sont juifs...
Parce que, moi, dans le coup de balai médiatique qui renverrait les médiocres dans les placards mérités de l'anonymat, j'incluerais volontiers, par esprit d'équité, dans la liste des sus-dits, Smaïn et Nagui... et Nagui ! En attendant, notre trublion plastronne sur la vague facile de la haine inversée, du rap sanctuarisé et du gauchisme caricatural.
Son soutien aux excités qui surfent sur la contestation sociale pour imposer leur violence complaisante ne règle en rien les problèmes desdits jeunes. Que Debbouze se taise s'il n'a rien à dire d'intéressant! La France lui sera plus tard gré de cette aphasie salvatrice.
En passant, la France n'a pas à rougir de ce qu'elle représente à l'heure actuelle (ce qui ne signifie nullement qu'elle se situe au-dessus des critiques). Elle n'est pas en premier lieu ce pays fautif et impérialiste qui ne mériterait qu'opprobres et reproches.
Un reproche, justement, à la France : d'être le pays qui a permis à Debbouze de faire entendre la voix médiocre de la démagogie. La promotion spontanée de figures issues de l'immigration récente masque l'absence de reconnaissance générale des immigrés quand leur peau ou leur religion posent problèmes. Les banlieusards n'ont toujours pas trouvé leur héraut emblématique. A quand le Mandela de la France démocratique ? Paradoxe de la situation politique : gageons que le recours viendra des rangs de cette vieille France qui a transmis le sens de l'honneur et l'art de la conversation (quand même!). L'amour de la France ne trompe pas. C'est à l'heure du danger que se mesure la sincérité des engagements. Ce n'est pas Jamel qui démentira!

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