samedi, décembre 16, 2006

Le 9 septembre 2001

Christophe de Ponfilly est mort. Il s'est suicidé. Ce n'était pas un grand écrivain comme Mahfouz, mais le peu d'écho qu'a rencontré sa mort précoce montre à quel point les médias se foutent de la qualité. Il suffit pour s'en rendre compte de constater le calme qui a suivi la disparition de Bernard Rapp. Il est vrai que Pivot représente la pierre de touche de la culture médiatique. On a les grands hommes que l'on peut, mon prince!
Justement, en France, l'Afghanistan fut longtemps la chasse gardée de BHL. Notre justicier intellectuel en chemise blanche paradait dans tous les médias pour expliquer les réflexions fulgurantes que lui inspirait son amitié éternelle avec le légendaire commandant Massoud. Un jour, au hasard de ses biographies non autorisées (toutes celles qui ont l'heur de dire la vérité sur le triste sire, c'est-à-dire beaucoup de mal), le lecteur français découvrit, ébahi, que Che BHL était un milliardaire de gauche qui pouvait se targuer de l'amitié de Pinault - en aucun cas, de celle de Massoud. Compagnie peut-être moins glorieuse ?
En fait, les deux hommes ne se connaissaient pas. Voici la preuve éclatante que Dieu existe. Qu'il s'appelle Allah, Jah ou Krishna, Il a manifesté Son Infinie Bonté en épargnant à Massoud la rencontre de BHL. J'en arrête avec l'imposteur. Il ne mérite sûrement pas un portrait, fût-ce au vitriol.
L'autre preuve de l'existence de Dieu, n'en déplaise à Descartes ou à Scott, c'est que Massoud a rencontré Christophe de Ponfilly. Ponfilly, lui, n'a jamais hésité à braver les dangers de la montagne, la haute, la vraie, pour rencontrer Massoud et ses hommes. J'écoutais il y a un mois un document-hommage sur le cinéaste. Il expliquait en substance que Ponfilly n'avait surmonté le désespoir aigu qui l'assaillait que grâce à son amour pour l'Afghanistan. Sur le désespoir, il y aurait long à en dire. Nos sociétés prospères produisent, en plus des 4X4 citadins et des eaux minérales, la dépression la plus insidieuse. Son fondement? Avoir réduit l'existence à une perpétuelle et inattingible quête de consommation. Celui qui se rend compte de la vanité de ce but risque aussitôt de sombrer dans la mélancolie.
Les Afghans sécrétèrent-ils la guerre comme passe-temps à leur blues des steppes et des pics rocheux? En tout cas, leur vitalité montre que c'est dans l'adversité, et surtout la plus farouche, que s'ancre l'amour de la vie le plus indéfectible. Les hommes du commandant Massoud résistèrent aux Soviétiques et à l'Armée Rouge. Ils résistèrent aux talibans et aux chefs de tribus. Ils leur restera à résister aux Américains.
Cette fois, sans leur chef si emblématique. Massoud a été assassiné. A ce qu'on nous dit, par des sbires d'Al Quaeda. Pourquoi Ponfilly s'est-il donné la mort? Est-ce la dépression qui a terrassé cet infatigable voyageur? Ou a-t-il compris, au contact de la réalité afghane, la noirceur du monde? En tout cas, Ponfilly et Massoud ne faisaient qu'un. Ce qui ressort du reportage, c'est la grandeur du commandant Massoud. On nous rebat les oreilles avec le Che. A côté de Massoud, le Che n'était qu'un minable tigre de papier. Le Che était une impitoyable machine à rater les révolutions. Massoud fut un des grands résistants du vingtième siècle.
C'est ce trait qui m'intéresse chez Massoud. La grandeur de Massoud est d'être de la race des irréductibles. Seule la mort pouvait l'abattre. Pendant longtemps, je lui ai reproché sa foi tutoyant avec l'extrémisme, son traditionalisme, son rôle ambigu lors du retrait des Soviétiques à Kaboul. Massoud n'était certes pas un saint. Mais le charisme qui se dégageait de sa personne m'a toujours impressionné. Pas d'un point de vue romantique. Le Massoud lisant des poèmes à ses hommes illettrés ne m'intéresse pas.
Massoud n'a jamais fait de compromis avec la corruption. La CIA a acheté les talibans par le biais de l'ISI pakistanaise, elle n'aurait pu faire de même avec l'icône des montagnes. Massoud était un libérateur ambigu et intraitable. En donnant sa vie pour l'autonomie de l'Afghanistan, Massoud n'a pas seulement mûri, passant des Frères musulmans à la sagesse du vrai politique. Massoud a tutoyé l'Histoire en mettant les Occidentaux en garde contre les dérives terroristes qu'ils avaient encouragées. L'anti Ben Laden n'est pas W Bush - c'est Massoud. Que nous enseigne sa disparition tragique ? Son courage, sa force, sa vitalité sont celles d'un bâtisseur. Ben Laden est un destructeur. Ben Laden est en vie. Massoud a été assassiné.
La faute à qui? Le moins qu'on puisse constater, c'est que le jeu trouble des Occidentaux est plus que remarquable. Ponfilly a raison d'insister sur les raisons qui fondent la haine antiaméricaine dans le monde. Le problème de l'Occident, ce n'est pas la démocratie, c'est l'argent. La fin de l'existence dans l'argent. L'argent comme fin. L'oppression et l'absurdité.
Massoud ne vivait pas pour l'argent. Ce n'était pas un Pur (car le pays des hommes purs soutient Ben Laden), c'était un homme simple. Cette simplicité nous fait défaut. Sa disparition nous rappelle que l'Occident a soutenu ses ennemis irréductibles contre ses alliés de chaleur parce que son discours démocratique est d'une complète hypocrisie. En deux mots, l'Occident prône théoriquement la démocratie et ne la respecte que très théoriquement en dehors de ses frontières. La preuve? Ils ont trahi et ignoré la figure de proue de l4afghanistant modéré, celui que les talibans détestaient, y compris quand il s'est déplacé en France pour mettre en garde contre les dangers encourus. Massoud avait bien compris que la part de lumière de l'Occident tenait dans sa soif de liberté et d'esprit critique. Sa mort nous rappelle que sa part d'ombre réside dans les trahisons sans nom dont il peut être l'auteur - et la victime!

2 commentaires:

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Julia a dit…

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