mardi, décembre 19, 2006

Les mensonges totalitaires

Quel est le point commun entre W. Bush et Denis Robert? L'actuel président des Etats-Unis, le premier du XXIème siècle, est aussi le pire. Espérons qu'il n'annonce pas une longue lignée d'avatars irresponsables à la tête de nos démocraties! Denis Robert est le journaliste qui a sorti l'affaire Clearstream. W. Bush a démontré que le président de la première puissance mondiale (et première démocratie autoproclamée) pouvait mentir à la face de ses concitoyens et du monde en toute impunité. Cinq ans après le 11 septembre, Ben Laden n'a toujours pas été arrêté et l'Irak est à feu et à sang. Denis Robert a mis en lumière les rouages du clearing : derrière une entreprise rationnelle de mémorisation des échanges bancaires mondiaux, toutes les transactions étaient conservées, y compris les plus illégales. Des banques douteuses par exemple bénéficiaient d'une comptabilité parallèle attestée par l'informaticien dévolu à la besogne à Clearstream, Régis Hempel.
6 000 milliards de dollars sont entreposés sur les comptes de paradis fiscaux. Ben Laden n'a toujours pas été inculpé à ce jour pour les attentas du 11 septembre. Ces deux scandales (parmi tant d'autres) suffisent à provoquer de gigantesques soulèvements de protestations. Au lieu de quoi, tout le monde s'en fout. Le peuple serait-il tellement habitué à avaler des couleuvres qu'il se tairait de dépit? Pas seulement! Trop occupé à jouir de son bonheur personnel, le bon peuple ferme les yeux pour conserver le bien-être relatif domestique qu'on lui a attribué en compensation. Tiens, Clearstream n'est-elle pas appelée chambre de compensation?
Moyennant ces fameuses compensations, on achète le silence des citoyens, avec cette idée que la démocratie va à la dérive - comme les icebergs du Pôle Nord.
Paranoïa? Ce serait trop beau d'agiter la théorie du complot! Cinq cents familles mondiales détenant les cordons de la bourse ou un groupe communautaire, les Juifs ou les Chinois de Hong-Kong? Si seulement le mal était moins diffus! La vérité est que l'hydre n'a pas de tête pensante. Le train fou file vers l'inconnu. Pas de complot, mais l'évolution vers le totalitarisme larvé.
Le système s'est verrouillé sur une mentalité mensongère : nos démocraties seraient assises sur les principes de Liberté, Egalité et Fraternité. Ce serait sans compter sur la volonté de puissance personnelle qui est présentée comma la fin antithétique avec de tels principes. Le problème de la puissance, c'est qu'elle pour fin l'argent. Pas le moyen de transaction substituant avec avantage des conventions symboliques au troc; mais l'argent comme fin. Il n'est que temps de s'arrêter sur cette dénaturation de l'argent passant de moyen à fin. Comme moyen, rien n'est aussi bénéfique que l'argent. Comme fin, l'argent incarne la folie et la démesure.
Le monde marche sur sa tête. On le constate avec la destruction écologique qui menace d'emporter l'humanité dans sa course folle. L'homme a perdu les buts qui forgeaient son destin. En panne de fins, il y a substitué des moyens. Faute d'adorer la vie pour la vie, il a perdu le goût de la vie. Désormais, l'homme se pose la question tous les jours : à quoi bon vivre?
Il n'a trouvé qu'une réponse : pour jouir. Comme la jouissance sexuelle est trop éphémère pour être avalisée durablement, on s'est toujours rabattu sur la seule jouissance durable - le pouvoir. Qu'est-ce que le pouvoir? Pas le grand pouvoir d'organisation sociale, mais la petite domination personnelle. L'apologie de la puissance singulière trouve son expression logique dans l'argent. Mais il y a un hic : a-t-on oublié le destin qui attend Faust? A-t-on oublié la Peau de chagrin ?
Le diable est l'apologète de la volonté de puissance. Le diable achète les consciences par la séduction. Les promesses ont un prix, bien plus coûteux que les jouissances engrangées : la destruction de la vie (et non du monde) par le nihilisme contemporain. Nos sociétés de consommation ne consomment pas par nécessité, mais pour consommer. Le prix à payer, c'est la destruction du réel au nom de sa jouissance.
Comment en est-on arrivé là? Puisque le sérieux est la chose la plus invoquée par les gens du frivole et du spectacle, je me vois contraint de rétablir le sérieux véritable. Un peu de gravité, messieurs les censeurs ! Est-il nécessaire de rappeler l'incroyabe violence qui préside aux conditions d'avènement du réel? On vit avec un prix sur sa tête, et ce prix, c'est la mort. Il n'est de présence qu'au prix de la destruction. L'homme est confronté à cette violence omniprésente : d'entrée de jeu, il sait qu'il n'est pas de vie sans son corrolaire de destructions. Au final, ce qui l'attend à titre personnel se résume à de la destruction.
Ces règles de jeu, l'homme les subit. Il ne s'agirait pas de lui en imputer la responsabilité! Par contre, en se donnant comme fin la puissance personnelle, l'homme se condamne à perpétrer la destruction massive et inévitable sur son propre environnement. Il scie la branche sur laquelle il est assis en se félicitant des copeaux de sciure qu'il produit. Le système qu'a instauré l'homme moderne correspond à la fable chantée par Goethe. Tel le Faust de l'histoire, l'homme a vendu son âme contre la jouissance immédiate. La jouissance, c'est la puissance. L'âme évoque le religieux combattu, diffamé, relégué bien vite aux oubliettes de l'histoire ( o tort ou à raison, c'est un autre débat, qui mériterait beaucoup de nuances). L'âme, en langage moderne, rappelle que le réel n'est pas réductible à la vie matérielle et au fini. Vendre son âme, c'est nier l'existence de l'infini. Partant, c'est revendiquer l'existence du seul fini.
Vivre dans le fini, c'est se condamner à la destruction et se donner des fins aberrantes. Comme Dostoievski l'avait (pré)dit, et à moins que Dostoievski soit un écrivain de pacotille, si Dieu n'existe pas, tout est permis. Si je ne vis que dans l'existence promise à la mort, la maladie et le néant, oui, il est vrai que tout est permis. Le scandale? Le but de la vie est de jouir en détruisant - et après moi, le Déluge! C'est l'antienne que répètent comme une mauvais rengaine nos élites mondialisées en espérant nous faire gober le bobard qu'elles travaillent pour notre prospérité et notre bien-être. Si nous les laissons oeuvrer à leurs tâches funestes et inavouables, elles iront au bout de leurs opérations de destruction massive. Après avoir sabordé la fraternité et l'égalité, elles jetteront par-dessus bord la liberté.
Il est vrai que notre liberté n'est que très théorique, puisqu'on nous répète que nous ne maîtrisons rien et qu'il faut se contenter d'accepter son sort. La rengaine est celle du totalitarisme larvé. Un totalitarisme pas encore effectif et qui diffère des anciens modèles en ce qu'il possède un coefficient de subtilité supérieur : au lieu d'avancer franco de port et d'expliquer à la masse qu'elle n'a d'autre choix que d'obéir ou de périr (principe de la violence assumée), nos élites, qui participent de mentalité qu'elles ne maîtrisent nullement, ont compris que la reconnaissance de certains droits sauvaient l'essentiel. Autrement dit, en autorisant la liberté d'expression et de vote, on rend possible le monopole des richesses par une minorité (de plus en plus riche). Après tout, le discours dominant répète en boucle que le bonheur, c'est de consommer!
La perversité du système est de satisfaire une partie de la planète pour en faire des alliés contraints. Les gens qui croient être heureux et goûtent à ce bonheur dégoûtant du matériel et de l'éphémère (aujourd'hui, les portables et les machines à laver sont programmées pour ne durer que quelques années...) savent aussi qu'une menace latente et permanente pèse sur les conditions de leur bonheur et qu'en protestant, ils risquent de perdre leur petit plaisir personnel et minable. Oublie-t-on qu'un homme moyen est prêt à beaucoup de compromis et de sacrifice pour une dose raisonnable de bonheur, même empoisonné? En effet :
1) La lutte pour l'obtention des droits implique le danger et la disparition, au moins provisoire, du bonheur.
2) Les bénéficiaires relatifs du système sont les collaborateurs mous d'un système qui laisse sur le carreau les 4/5ème de la planète.
Il suffit d'insinuer sur leurs consciences anesthésiées la menace d'une disparition de leurs droits très relatifs pour obtenir leur silence apeuré et moutonnier. Le jeu des élites mondialisées est d'établir le dosage suffisant pour empêcher les révolutions sans générer trop de contestations. Dès qu'un mouton dérange, on mesure à quel point la liberté est valeur relative. Dans les systèmes de totalitarisme classique, on le tue ou on le fait taire (tortures, prison...). En l'occurrence, le harcèlement est autrement insidieux. La contestation est rendue imperceptible; on la discrédite; on détourne le droit pour le procédurier; on harcèle le contestataire sous toutes les formes de la légalité. Demandez à Denis Robert ce qu'il en coûte de révéler certains des rouages tabous de l'économie mondiale : six millions d'euros et des centaines de procédures plus tard, Robert incarne la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
Le totalitarisme d'aujourd'hui sera démocratique ou ne sera pas. L'ancien est trop connoté pour ne pas être renversé tôt ou tard. Celui-là a encore de la marge. Le temps que l'homme en paye le prix, il risque tout simplement de parvenir à sa fin véritable : le refus de la mort. Et derrière le refus de notre lot tragique à tous, il y a la disparition. Ne l'oublions pas.

2 commentaires:

voyance mail gratuite a dit…

Je ne dois pas être dans un « groove éditorial » Ok je vais faire une relecture…

Julia a dit…

C'est avec plaisir que je regarde votre site ; il est formidable. Vraiment très agréable à lire vos jolis partages .Continuez ainsi et encore merci.

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