samedi, décembre 23, 2006

Libération

A en juger par le destin du quotidien créé par Serge July, il est périlleux de prétendre à une entreprise de libération. Les desseins libertaires de July dans les seventies ont accouché de la souris Rotschild. Jugez l'erreur...
C'est le destin de notre époque que de prétendre se libérer par plus d'asservissement et de légitimer cet asservissement par plus de consentement. Quand la roue qui tourne est folle, le résultat ne déçoit pas!
L'un des grands projets affichés de la déchristianisation fut de proclamer la libération du sexe. Se libérer des pudibonderies, des hypocrisies, des tartufferies, j'en passe et des meilleures, fort bien, mais que s'est-il passé exactement? Un peu comme avec Serge July, le beau projet accouche d'un bâtard monstrueux. En l'occurrence, on a libéré le sexe en en faisant un objet comme un autre. Il suffit d'écouter Ardisson pour se rendre compte que la surenchère hédoniste conduit à la décadence, mais le drame est que le même Français qui se targue d'esprit critique et refuse d'entériner les billevesées du commun est le premier à valider la révolution des moeurs dans ses termes actuels.
Aujourd'hui que les trois quarts des films loués dans les clubs ou les bornes vidéos sont des films pornographiques, il suffit de jeter son dévolu au hasard pour contempler l'étendue du désastre. Ne pensez surtout pas que je fasse dans le réductionnisme : je ne suis que trop contraint de constater qu'une fois le premier film porno contemplé, vous les avez tous vus. Pas plus de scénario que d'intrigue; le but est à chaque fois identique : afficher de la surenchère pour vendre du quantitatif. Au final, la violence est le meilleur moyen de générer de l'argent facile.
La pornographie laisse à penser que la relation sexuelle est nécessairement fondée sur la domination et la destruction (symbolique) d'autrui. Il est aussi comique que tragique de contempler ces scènes où les amants, après s'être dévêtus en moins de cinq secondes, poussent des hurlements hystériques et frénétiques pour manifester le plaisir qu'ils ressentiraient. Remarquons les deux faces du mensonge :
1- Le moins qu'on puisse dire est que la scène manque de réalisme; les cris compensent la médiocrité de ce qui se veut au plus près de la réalité.
2- Les acteurs qui ne feignent que leur plaisir n'éprouvent aucun plaisir à tourner ces scènes mécaniques et désolantes.
L'on veut d'autant plus entraîner le spectateur dans la sarabande du plaisir que celui-ci s'avère absent des débats. Le tragique est que le pornographique vend ce qu'il méconnaît intimement. A ce compte, demandez à un charlatan de vous guérir du cancer du pancréas!
Suivant les modes, la pornographie évolue vers de plus en plus de violence. Au fil du temps, la femme se retrouve fessée, la tête dans les chiottes, trois hommes (bientôt cinq!) autour de ses orifices, ravie qu'on la ravale au rang d'objet décervelé. La surenchère quantitative est éloquente de l'impossibilité de la quête : comme on ne parvient à trouver le Sens caché que recèlerait le plaisir escompté, on verse dans les pratiques extrêmes, c'est-à-dire les plus douloureuses : SM, orifices filmés de l'intérieur, usages d'ustensiles de plus impressionnants et surréalistes, déformations du sexe ou de l'anus, j'en passe et des meilleures... Il faut bien reconnaître qu'au train où vont les choses, subir un gonzo risque de se révéler passablement ennuyeux, voire rébarbatif!
Le constat édifiant? L'extrême ennui qui envahit le spectateur. Relever que la pornographie est stéréotypée relève du compliment aimable. En regard, la littérature de Sade est un chef-d'oeuvre incontestable d'inventivité et de lucidité. Au moins le Divin Marquis possédait-il le grand style du XVIIIème. Sade racontait n'importe quoi, mais à condition d'accueillir son oeuvre comme une entreprise de déréliction, son comique impayable est le meilleur remède pour dérider un mélancolique incurable. Quoique. Le mélancolique risque bien de prendre Sade au pied de la lettre!
Une fois que je me rendais à une exposition consacrée à l'hyperréalisme (musée de l'art moderne de Strasbourg, je crois), je découvris que les toiles n'acquéraient de valeur que dans la mesure où elles rendaient le réel par des modifications picturales ou des déformations de représentation.
La pornographie fait exactement l'inverse : en prétendant retranscrire le sexe au plus près, à moins qu'elle n'ait la conscience cynique de son faux grossier, elle parvient à la distorsion maximale de représentation. Faux et médiocre, l'industrie du porno n'est pas un art, c'est une machine à rapporter gros!
Toute connaissance élémentaire du fait sexuel montre l'inadéquation totale entre la pornographie et la réalité. Rien n'est plus grandiloquent que cette démarche, au sens que Rosset donne de ce terme dans Le Réel, Traité de l'idiotie. La pornographie ne banalise pas seulement la violence et la perversité, elle laisse à penser que le plaisir de l'existence se résume à du totalitarisme. Celui qui agit ne peut dominer sans totalitarisme. Celle qui subit (celui dans les cas de relation homosexuelle) ne peut jouir que dans le cadre d'un totalitarisme librement consenti. Où l'on voit qu'on aimerait faire croire à la possibilité d'un consentement de l'auto-destruction comme seule modalité cohérente de jouissance.
Chacun sait que la pornographie ne laisse de la sexualité qu'une image déformée. Il n'est qu'à imaginer le drame qu'endurerait un adolescent naïf ou un attardé appliquant à la lettre dans son comportement amoureux les schèmes dictés par les stéréotypes pornographiques. Quel cuisant échec ne recueillerait-il pas en tentant de projeter, à la manière de Rocco projetant Tabata pour un peu de cash, la tête de sa compagne dans les cuvettes de ses toilettes ! Que de moqueries et de quolibets notre impétrant n'endurerait-il pas de la part de ses camarades s'il se vantait de la taille de son pénis, mètre à l'appui !
Il reste à s'expliquer le succès triomphal de la pornographie. Comment l'homme court-il après tant de médiocrité controuvée? Loin d'accabler la bêtise, qui se manifeste surtout chez ceux qui s'estiment bien fournis en intelligence, je crois plus simple d'y discerner le diagnostic d'une époque qui dresse l'adéquation unanime du plaisir, de la force et du fini. Il faut voir le monde comme essentiellement fini pour en venir à penser que tout est permis, y compris ce que le monde possède de plus destructeur.
Il faut être désespéré à en crever pour représenter la sexualité comme la quintessence de la violence et l'exacerbation de la domination. Au final, le plus choquant pour la lucidité est encore de croire (quelle naïveté!) que la banalisation de la pornographie engendrera une banalisation des pratiques sexuelles. C'est l'inverse qui est vrai. La banalisation de la pornographie est un symptôme de décadence. C'est ne rien comprendre aux mécanismes de la sexualité que de s'imaginer que cette banalisation exprime la révolution sexuelle tant escomptée dans cette époque qui s'ennuie et cherche une porte de sortie - mieux, un Sens à la vie. Du coup l'apologie de la violence est partout présente et seulement dénoncée du bout des lèvres (et encore, quand c'est le cas, on a brandi l'accusation ostracisante de moralisme!).
Le sexe ne saurait être banal. Voilà un fait réel. Il est trop énigmatique, trop complexe, trop abyssal pour se réduire à des efforts de rationalisation intelligente! Alors, pensez, des velléités consuméristes d'enrichissement bon marché! Le sexe est exceptionnel. Il suffit pour s'en convaincre de voir la différence fantasmatique qu'opère la vision de Catherine Deneuve dans Tristana et celle de Clara Morgane dans n'importe laquelle de ses productions homériques. Qui est la pus sensuelle et la plus désirable? Sûrement pas Morgane! Houellebecq le sait bien, lui qui nous rappelle l'incroyable vulgarité à laquelle est acculée l'homme moyen de la modernité. Le sexe comme quête de performances est un enfer dont on ne saurait sortir enrichi!
La richesse du sexe, c'est de nous signaler que le réel n'est pas fini (que l'homme n'est pas fini!) et qu'il dépasse de loin la sphère de nos représentations. Pour le dire en un mot, la pornographie mène stricto sensu à la destruction. Ce n'est pas qu'il faille l'interdire, ne serait-ce que parce qu'elle constitue un excellent rappel des dérives auquel mène le désir quand on lui laisse la bride rabattue. Héraclite déjà annonçait qu'il ne vaudrait mieux pas pour les hommes qu'advienne ce qu'ils désirent...
Il est seulement temps de dire la vérité. La fréquentation des prostituées est rebutante une fois qu'on a compris la démarche qu'on accomplissait. Il faut aimer la violence pour fréquenter les prostituées. Il faut n'avoir rien compris à la violence pour fréquenter les prostituées. Idem pour la pornographie. Il faut n'avoir rien compris au sexe pour aimer la pornographie!
A nous de réinventer les moyens de dire les richesses diaprées de la vie sans nous laisser happer par le charme morbide du fallacieux. A-t-on conscience de singer le monde du diable en faisant le jeu réductionniste du fini ?

4 commentaires:

voyance gratuite en ligne par mail a dit…

Excellent article de qualité. Je suis tout à fait d’accord .

voyance a dit…

Je suis tellement émerveillée de voir tous ces beaux changements. Merci à toute l'équipe .
voyance gratuite par mail

Anonyme a dit…

Félicitation pour votre site! Vraiment, il est génial et comme j'ai vu dans les premiers posts c'est vrai que partages et interface du site sont vraiment une aubaine pour bosser le style. Vraiment un grand merci !

voyance par mail gratuit

Julia a dit…

Je trouve votre site hyper génial, je vous souhaite pleins de succès car vous le méritez, bonne continuation et encore bravo pour ce superbe site !

consultation voyance gratuite