dimanche, décembre 10, 2006

Journaliste en danger

J'apprends qu'une pétition de soutien est lancée pour empêcher qu'un des rares journalistes d'investigation de ces dix dernières années, Denis Robert, ne disparaisse sous les millions d'euros de frais d'avocats que lui impose le harcèlement juridique dont il est la victime. Six au total à l'heure actuelle. Robert est-il l'auteur de pamphlets proposant l'extermination conjointe des Juifs et des Arabes pour résoudre l'ensemble des problèmes de la planète? Développe-t-il la représentation inédite d'un Complot Mondial Judéo-Arabe, si cher au président iranien, dont je ne parviens à retrouver l'orthographe exacte (acte manqué...)?
Denis Robert est un journaliste d'investigation indépendant et sérieux, soutenu par une maison d'édition respectable et pugnace (Les Arènes). Il est à l'origine du scandale ubuesque de Clearstream, dont le volet médiatico-politique qui a éclaboussé la France n'est que la partie visible de l'iceberg. Denis Robert prétend que la chambre de compensation Clearstream, loin de prétendre à la clarté, abritait une double comptabilité qui permettait de blanchir les opérations bancaires les moins avouables. L'économie (tout comme le réel) est grise, nous enseigne Robert, fort du principe selon lequel les grands banquiers et les hauts financiers ont une vision apolitique et immorale de l'argent.
Cette approche explique comment les milliers de milliards d'euros que charrie chaque année l'argent sale (en vrac, la drogue, les armes et la prostitution, pour ne citer que les trafics les plus rémunérateurs) intègrent les circuits les plus respectables sans laisser de traces (ou si peu). La globalisation de l'économie est allée de pair avec l'absence de réglementation politique et juridique mondiale. Autant dire que si des pays comme la France ou les États-Unis permettent, non sans imperfection il est vrai, un contrôle politique sur leurs terres, ce même contrôle s'avère totalement inopérant à l'échelle internationale. La loi du plus fort et du plus crapuleux est assurée, au mépris des avancées juridiques des démocraties!
Ne mésestimons pas cette dérive de l'ultralibéralisme sauvage. Je dis ultralibérale et sauvage car elle ne respecte nullement les principes du libéralisme selon lesquels la liberté individuelle implique un État fort en mesure de la prémunir des dérives de la déréglementation sauvage et des actionnaires qui font des profits sans créer de richesse notable. Ni l'ONU, ni l'OMC, ni aucune organisation internationale ne jouent ce rôle de régulateur à l'heure actuelle. La sauvagerie des transactions financières internationales nécessiteraient pourtant des lois mondiales qui empêchent les paradis fiscaux, innombrables, les transactions douteuses et mafieuses, très aisées partout dans le monde où les États n'ont presque aucun pouvoir, et la loi du plus fort, qui est la négation de la législation démocratique.
La globalisation de l'économie, en n'étant pas accompagnée de la globalisation de la politique, pose le problème contemporain majeur en mesure d'engendrer les révoltes populaires de demain : le financier a trouvé la parade pour assouvir son appétit du tout est permis (ou presque). Les politiques nationaux sont coincés par le chantage que permet la globalisation : la délocalisation n'est que le versant d'une plus vaste politique qui permet d'agir en toute impunité. De quoi susciter un retentissant thriller.
Il n'est jamais bon que l'économique prenne le pas sur le politique. Le pouvoir économique génère la logique sans limite du profit. Tous les arguments sont valables pour engendrer de la richesse et de la puissance personnelle. Toutes les dérives sont passées aux milliardaires et aux as de la finance pourvu qu'ils incarnent la réussite personnelle de l'argent. Il n'est que besoin de se rappeler la mort tragique du banquier parisien Édouard Stern dans les conditions troubles que l'on sait. Stern était l'ami personnel de Nicolas Sarkozy. Veut-on être dominé par les prédateurs de la finance? C'est en restaurant au niveau mondial la suprématie du politique que l'on parviendra à assurer la globalisation humaine en marche de manière harmonieuse. Sinon, de petits groupes sans pitié maintiendront sous leur joug les populations opprimées, pour le plus grand bénéfice des extrémistes de tous poils, ravis de profiter de l'inégalitarisme viscéral pour faire prospérer leurs discours de haine.
En attendant, Denis Robert est menacé d'asphyxie financière par des bataillons d'avocats zélés. Tout un symbole, comme dans les films américains où le héros lutte contre des hordes de méchants en costumes trois pièces et cols blancs (entre parenthèses, le dénigrement de Hollywood par le cinéma français trouve ici un démenti éclatant : où se trouvent les films d'investigation français de qualité?). Le visage prémonitoire des mafias contemporaines se trouve devant nous. La lutte du pot de terre contre le pot de fer. Et surtout l'oppression de la violence contre la liberté. Tout un programme de lutte, celui du libéralisme bien compris, qui n'est surtout pas la liberté de tout faire, y compris le pire.

1 commentaire:

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Super bonne idée, super bon petit site !! félicitation :)