mercredi, décembre 27, 2006

Les mauvais trips du rap

Faites comme je dis, pas comme je fais!
Récemment, Didier Morville, alias Joey Starr, célèbre rappeur français, s'est retrouvé mis en examen. Pas pour actes de violence irréfléchis. Pour un acte de crapulerie prémédité. Il roulait avec le permis d'un homonyme. Un D. Morville de Nancy, qui avait l'heureuse surprise d'accueillir les procès-verbaux de délits qu'il n'avait pas commis, et pour cause. C'est dingue, ce que Joey est cohérent dans ses principes. Appeler à voter après avoir profité de sa célébrité pour arnaquer un modeste travailleur, voilà qui incitera le jeune banlieusard en rupture de vote à s'inscrire sur les listes électorales!
Cela n'empêche nullement Joey d'avoir formé le meilleur duo du rap français à mes yeux. Pas à la Star Ac, où il aurait mieux fait de ne pas venir; ni avec ses acolytes de BOSS, le collectif qu'il a fondé depuis qu'il pousse des croassements rauques un peu répétitifs en solo. A l'époque de NTM, Joey Starr a sorti les meilleures chansons que le rap français ait produites. Il suffit de réécouter IAM ou les anciens du Ministère Amer (Doc Gynéco, Stumy Bugsy ou Passi se revendiquaient à l'époque rebelles subversifs et transgressifs...) pour constater quels textes ont le moins vieilli.
Pas tous, les plus connus étant parfois les plus caricaturaux. Reste que, pour celui qui a entendu Tout n'est pas si facile ou On est encore là, NTM n'est pas réductible à des dérapages live ou des lignes de cocaïne sniffées à l'arrache. NTM vaut sûrement mieux que Godmann ou Cabrel, même si ce n'est pas Brassens ou Brel.
Comment se fait-il que les chantres d'un genre qui avait tout pour être majeur ne se sont jamais imposés au-delà de succès commerciaux éphémères et datés? Rares sont les rappeurs que l'on peut citer sans s'assurer qu'ils n'auront pas disparu de la scène artistique quelques années plus tard. Quant aux élus qui perdurent, la qualité de leurs productions s'avère plus que contestable. Par rapport à James Brown, qui vient de s'éteindre, que dire d'un 2 Pac (tué pour des règlements de comptes peu de temps avant Notorious Big, autre rappeur culte) ou d'un Snoop Doggy Dogg (dans la première mouture de son nom, désormais abonné aux retouches)?
Le rap était destiné au départ à servir les revendications des opprimés, singulièrement des descendants de l'esclavage et du colonialisme - soit les Africains, du Nord au Sud du continent. Las! Au lieu de ces hautes aspirations, le rap est un genre à part (dans tous les sens du terme), qui n'exprime de la contestation que la rage et la haine. Quand il n'appelle pas à s'en prendre aux keufs ou à traiter les meufs comme des chaudasses, le rap use de stéréotypes consternants pour traiter de l'amour (de préférence dédié à maman), du pays des origines (le Paradis béni), même lointaines. Doc Gynéco n'osa-t-il pas un jour déplorer "être né ici, dans la misère et les cris", en opposition à la terre des parents, les Antilles, cet havre de bonheur incontesté?
A part les stéréotypes, les rappeurs véhiculent de lourds préjugés : grosses bagnoles, sapes de parvenus rutilantes rehaussée de moumoutes vaguement crétines, femmes réduites à l'état d'objet sexuel. Quand ce n'est pas ce versant gansta du rap, c'est la violence au moins verbale qui est présente au rendez-vous, avec des dérapages racistes, des gestes de revendication, des images de désolation.
Force est de constater que des supports au départ moins calibrés pour la contestation comme le jazz, le blues ou le raggae ont rempli leur attente au-delà de toute attente. Quel sera le poids musical de Puff Daddy (je sais, son premier patronyme) face à James Brown dans cent ans? Quand on sait que James Brown faisait de la chanson mineure... Prononcera-t-on encore ces noms? La cause est entendue.
Et si l'on tente de rétorquer que le rap est le reflet de son temps, je ne pourrai qu'applaudir des deux mains à la pertinence de cet argument. Non que les jazzmen, les bluesmen ou les reggaemen aient consenti à cette dérobade pitoyable pour prôner la violence, tant s'en faut. Le rap n'exprime pas la revendication d'opprimés souhaitant changer le cours de l'oppression dont ils sont les victimes. Il laisse le plus souvent libre cours à la rage de ne pas posséder ce que le nanti exhibe fièrement. Le rappeur est un capitaliste frustré, un être du ressentiment qui ne demande qu'à consommer et à rejoindre la cohorte des exploiteurs.
Il n'est besoin que de constater les symboles de revendication précédemment cités dont ils s'entourent pour comprendre que les jeunes exclus des sociétés occidentales et parqués dans des cités-ghettos brûlent des voitures, non pour dénoncer la société de consommation, mais pour protester contre leur exclusion (où l'on voit au passage que la voiture est le symbole de la société de consommation). Ce que veut la racaille? Une grosse voiture, une gonzesse micheton et une villa avec piscine. Tout ce qu'on trouve dans les clips de rap, finalement...

3 commentaires:

etoile0045 a dit…

Je trouve que votre site est très bien fait, vous avez trouvé des belles photos et des vidéos drôles !!!
En revoir a très bientôt !

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voyance a dit…

Article de très bonne qualité, tout comme le blog.

Anonyme a dit…

Je ne vais pas faire dans l’originalité mais votre blog est tellement bien qu’on ne peut rien dire d’autre que MERCI BEAUCOUP !

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