lundi, décembre 11, 2006

Génération Mitterrand

De 1940 à 1968, le général de Gaulle incarna l'idéal inexpugnable de la France libre. Du coup, la France vécut vingt ans de prospérité sur son mythe. Jusqu'au premier septennat de Mitterrand. Un hasard? Pas dans ce cas. Le vieux renard prenait sa revanche sur son pire ennemi - celui qu'il brûlait de remplacer. De Gaulle vivait pour la France ; Mitterrand pour lui. De Gaulle était un politique ; Mitterrand un politicien. Résultat? Après les Trente glorieuses, nous en avons pour vingt ans de vaches enragées avant d'espérer éliminer le mitterrandisme. L'héritage miterrandien, c'est la décadence démocratique faite homme, la négation de la grandeur au profit du pompier, le nihilisme opposé au destin du héros.
Mitterrand recopia de Gaulle par ses travers, comme un valet cire les pompes de son maître - le grand homme. Cet esprit de droite maniait la nuance comme personne. Il finit à gauche en comprenant que le pouvoir le réclamait dans cette posture opportun(ist)e. Mitterrand était un menteur compulsif, capable d'initier des dîners de cons avec Deleuze ou d'Ormesson, ou de lâcher un bobard par pur esprit de jouissance. Mitterrand enterra les morts, dans l'atmosphère délétère de son second septennat. Citons en passant le Vice-Président (dans tous les sens du terme) Roger-Patrice Pelat, Bérégovoy, emporté par la dépression et la distraction de ses gardes du corps, et l'âme damnée de Mazarine (là non plus, la polysémie historique ne s'invente pas!), je veux parler de François de Grossouvre et de ses secrets à jamais envolés.
Il y eut Bousquet et la Collaboration, la Cagoule et la Quatrième République, le socialisme frelaté et le pouvoir enfin conquis. Il y eut deux septennats, le deuxième trop long et de plus en plus lourd. Récemment, on a célébré l'héritage Mitterrand en louant la lumière du personnage, l'abolition de la peine de mort ou les 39 heures. Las, Mitterrand, qui n'a heureusement pas accompli que de mauvaises choses en se convertissant au réalisme économique, possède encore des hagiographes, qui ont trop peur de s'effondrer en compagnie de leur héritage. Je ne pense pas à Dumas. Le dilettante des Affaires étranges s'est grillé de lui-même dans ses jeux d'ombre et de lumière avec la Putain de la République. Tout un programme. Restent des esprits aussi subtils et retors que l'inénarrable et sémillant Lang, ce bobo opportuniste que les gens de Blois ont appris à connaître. En matière d'affectation, notre Jack n'a rien à apprendre de personne. En ce moment, il occupe les fonctions de conseiller spécial de Ségolène. Spécial, c'est la qualificatif qui lui convient.
En attendant, la biographie de Mitterrand du strict Vauzelle se présente comme une réflexion historique et politologique dont le sérieux le dispute à la rigueur. En l'empruntant à la Médiathèque, j'ai découvert, stupéfait, qu'elle ne contient aucune critique (au sens étymologique du terme)! Plus historique et objectif, il fallait y penser! Alors, pour emboîter le pas à la Fondation François Mitterrand, à toutes les huiles de l'ère socialiste révolue, les Pierre Bergé ou les Jacques Attali, n'hésitons pas à chanter la grandeur incomparable de Mitterrand-le-visionnaire, lui qui osa introniser la première femme de France à un poste majeur de responsabilité. En quelques mois, les Japonais et les Anglais ont goûté que les socialistes français comptent dans leurs rangs des femmes de cette distinction. La race Cresson est en voie de disparition. Même Ségolène ne possède pas sa classe! Il ne reste qu'à souhaiter à la petite-fille de faire mieux que la fille du vieux séducteur. Il semblerait, au train où vont les choses, que la locomotive électorale soit plutôt bien partie. De toute manière, bon sang ne saurait mentir. L'héritière putative de Tonton révélera à la face du monde stupéfait de quel bois elle se chauffe!
Il n'empêche. Miterrand ne se résuma pas seulement à l'utopiste fichant en l'air l'économie française par des décrets de nationalisations abusives, le temps de trois années surréalistes. Je crois que le pire est qu'avant d'être des doux rêveurs, ou des dingues cyniques, Mitterrand fut le maître des aventuriers. "On ne peut rien contre la volonté d'un homme." Cette citation a de quoi ébranler jusqu'au pire adversaire politique. Quoi? Cet homme atteint par le cancer dès 1980 trouva les ressources et l'énergie pour arracher sa vie à la mort et dérober au temps sa confrontation intime avec l'Histoire? Malheureusement, cette rage de vivre admirable cache l'envers de la grandeur - à mes yeux la perversité de la perversité. Mitterrand commença par mentir à la Nation avant son accession au trône. Hallier, qui était tout sauf fou, avait raison de noter que Mitterrand était inéligible par maints égards.
L'important n'est pas là. Mitterrand a intronisé en politique l'avènement du manipulateur. Non que la manipulation eût été auparavant absente des débats, loin s'en faut. Mais elle n'était pas la fin, seulement un moyen indispensable et inavouable. Avec Mitterrand, l'accession au pouvoir devient la fin de la politique et le pouvoir pour la jouissance, la fin de l'existence. On recherche le pouvoir pour en jouir et non pour l'exercer. Mitterrand a réussi à faire croire que le mensonge valait plus que la vérité. D'où le cynisme de la classe affairiste et le désabusement des électeurs. En panne de modèle, Chirac s'en est souvenu. En tant que continuité du mitterrandisme, Chirac est un signe de décadence qui ne trompe pas. D'autres indices sonnent la décrépitude.
Mitterrand n'avait pas de convictions idéologiques. Il serait devenu libéral si l'option lui avait permis d'accéder au pouvoir. Pis, Mitterrand initia le mensonge électoraliste le plus cynique : au nom du socialisme, il imposa une politique libérale de social-démocrate. Ce n'est pas pour rien Mitterrand s'entendit moins bien avec Rocard qu'avec Chirac. Il savait que Rocard avait raison depuis toujours et qu'il incarnait le progressisme honnête - tout ce qu'il abhorrait dans le fond. Fabius essaie de copier le maître. En vain pour l'instant : chat échaudé craint l'eau froide! Chirac se souvint d'ailleurs de cette stratégie de la démagogie en prônant la réduction de la fracture sociale, c'est-à-dire en tenant un discours de gauche pour l'élection de 1995.
Allons plus loin : Mitterrand incarna la dérive démocratique vers le délitement des institutions. Avec Mitterrand, plus moyen de croire en quoi que ce soit d'humain. L'héritage Mitterrand, c'est que les crapules ont fondamentalement raison et que l'honnêteté confine à la bêtise. Rocard et ses amis du PSU se souviennent encore des manières mafieuses de l'entourage mitterrandien. De toute manière, un homme qui eut pour collaborateurs Charasse et Attali ne saurait être foncièrement bon. La crise que traverse la société française depuis l'an 2000 n'est pas étrangère au gigantesque mensonge qui consiste à se réclamer du progressisme pour imposer en douceur l'élitisme éhonté de la haute finance. Le but du monde est depuis trente ans d'investir le pouvoir temporel. Mitterrand, ce grand bourgeois venu à la gauche pour faire fortune, comme il avait épousé sa femme par vénalité, annonce par son accession au pouvoir la crise de la démocratie. Au nom de la Justice et de l'Egalité, Mitterrand a conduit la politique la plus mensongère qui soit. Son seul but? Durer, ne rien lâcher et manifester le cynisme le plus nihiliste. Mitterrand est le père de nos maux et leur meilleur prophète. Quatorze années de mitterrandisme n'ont été guéris que par douze de chiraquisme!
Ce n'est pas un hasard si le jumeau maudit de Mitterrand fut Jean-Marie Le Pen. Avant d'être le champion nauséabond de la démagogie, Le Pen n'est rien d'autre qu'une caricature de Mitterrand. Mitterrand le menteur a engendré Le Pen le populiste. Certains mauvaises langues prétendent qu'il fut à l'instigation de sa médiatisation. Qu'importe. Son accession au deuxième tour de la présidentielle est signée. Elle n'est rien d'autre que le résultat de quinze années de mensonge généralisé. La génération Mitterrand est celle des illusions perdues : la chute du communisme marqua la fin du rêve idéologique. Désormais, l'humanité est aux mains des cyniques prêts à tout pour assouvir leurs appétits de puissance personnelle. L'électeur français, qui vaut mieux que ses élites, écoeuré du mensonge médiatique qu'on lui vend et de la servilité qu'on lui prête, vote Le Pen ou ne sait plus pour qui voter. A quel saint se vouer? C'est la question tragique depuis que Mitterrand a rappelé que les promesses électorales n'engageaient que ceux qui y croyaient! Quand le désespoir vous prend, il n'est jamais aisé d'écarter la tentation de la destruction. La mondialisation n'est pas l'alternative à la violence. Si rien n'est fait, les enfants de Mitterrand et de Le Pen seront pires que leurs parents. Il n'est qu'à souhaiter que la génération Mitterrand ne donne pas tous ses fruits avariés et que l'humanité recouvre le goût de la vérité politique. Il est toujours temps de rompre avec le mensonge!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous rendez-vous compte, Monsieur, que vous attaquez un mort? Qui plus est le seul président de la République à avoir effectué deux septennats (car Chirac n'en a réussi qu'un seul, l'autre n'étant qu'un quinquénnat)?

voyance email amour a dit…

Merci pour cet article qui m’a fait découvrir votre site très intéressant. Au plaisir de vous lire à nouveau.