dimanche, février 18, 2007

Allez, pharisiens, encore un effort !

"Défendre la littérature comme la seule liberté précaire encore plus ou moins en circulation, implique que l'on sache exactement ce qui la menace de partout. Même s'ils sont légion, les ennemis de la littérature sont également nommables et concrets. Les pires, bien sûr, logent aujourd'hui dans le cœur de la littérature, où ils sont massivement infiltrés, corrompant celle-ci de leur pharisaïsme besogneux, de leur lyrisme verdâtre, de leurs bonnes intentions gangstériques et de leur scoutisme collectiviste en prolégomènes à la tyrannie qu'ils entendent exercer sur tout ce qui, d'aventure, ne consentirait pas encore à s'agenouiller devant leurs mots d'ordre, ni à partager leur credo d'hypocrites. Sous leur influence, l'écrit lui-même est devenu une prison. Ils contrôlent jour et nuit les barreaux de la taule. Ils dénoncent sur-le-champ les plus petites velléités de rébellion ou seulement d'indépendance. Ces surveillants nuisent en troupeau : ce sont les matons de Panurge." PHILIPPE MURAY, Exorcismes Spirituels.

Courage, continuons à taper, puisque de si petits mots provoquent de si inattendus tapages - même infimes, c'est que l'élan n'est pas tout à fait faux! Un écrivain que je n'aime guère et que je juge mineur, Nabe, distingue avec véhémence les artistes et les cultureux. La différence entre ceux qui font l'art et ceux qui en vivent n'est pas anecdotique. Le détournement de l'art par les faux artistes, soit les vrais critiques, est considérablement plus grave que la répulsion qu'il engendre chez certains bons vivants (qui, au nom de la vie, houspillent les manifestations qui réclament une once d'attention et de concentration).
Si Nabe est un artiste très contestable, c'est parce qu'il se revendique trop célinien. Je préfère ne citer personne pour désigner ceux qui se réclament de l'Art pour déverser des torrents de platitude d'autant plus attendus qu'ils seront aussitôt jetés aux oubliettes. Le faussaire se reconnaît en ce que l'accueil qu'il suscite est forcément trop élogieux. Le toc connaît la tactique. A merveille. La critique se trouve enfin en terrain conquis : le sien. A ses yeux, le domaine de la création est par trop miné pour s'y aventurer. De toute manière, elle en est incapable.
C'est ce que j'ai voulu exprimer en mentionnant la reconnaissance dont jouit à l'heure présente l'écrivain Millet. A mes yeux (et à eux seuls!), Millet est un éditeur qui s'est lancé dans l'aventure de l'écriture dans un de ses poses qu'affectionne le chasseur au détour d'une battue. Peu importe que ce soit chronologiquement le contraire qui soit vrai. Seule compte la primauté de la démarche. En l'occurrence, Millet n'écrit pas comme un écrivain, mais comme un mime.
Millet est-il le digne épigone de Proust descendu de ses plateaux pour nous annoncer la disparition imminente de la littérature? Il est fort à craindre (et à parier) qu'il évoque avec sagacité, non la littérature, qui n'a nul besoin de Millet pour vivre, mais sa seule oeuvre.
Comme toute chose en ce bas monde, il n'y a par définition qu'un Proust. Le triste privilège d'un écrivain est de n'évoquer l'universalité qu'au travers du prisme révélateur de sa propre singularité. La grandeur de Houellebecq est d'avoir tant provoqué (attisé?) le rejet et la haine - malgré le succès. Sa grandeur tient à sa singularité si singulière. De Houellebecq, il n'y a qu'un. De Millet, foison sans moisson.
La qualité de Millet est de correspondre aux goûts intellectualistes et élitistes d'une époque à l'agonie, selon laquelle la littérature serait morte (ah, le goût de la mort chez les créateurs ratés, qui confondent leur propre destin avec l'enthousiasme d'élans qui les dépassent presque toujours!). Le génie de Houellebecq est d'avoir esquissé l'estampe sombre de l'époque. Soit la sexualisation formelle de ce qui n'est qu'appétit d'argent et de puissance controuvée.
Le propre de la haine est d'attaquer un objet pour des raisons biaisées (et inavouables). Voilà pourquoi tant de critiques vilipendent Houellebecq : pour son génie - accessoirement aussi pour son succès qui le rend indépendant des lazzis médiocres. S'en prendre au créateur Houellebecq dénote au mieux la confusion - souvent que l'on a trop bien compris. Attaquer l'auteur Millet répond à une démarche toute autre. L'exercice revient à démasquer la figure de l'éditeur telle qu'elle se présente. De par son activité, l'éditeur se trouve dans une position impossible : comme lecteur garant (auteur) de la qualité des textes qu'il publie, il se trouve confronté à l'aune de son bon ou de son mauvais goût. Contre son goût, toujours.
Car le goût est affaire arbitraire (plus qu'atrabilaire). Le critique aimerait à faire croire à l'objectivité du goût. Qu'il aimerait exhiber les fondements du goût, comme d'autres brûlent, un peu vite, dé découvrir la terra incognita par excellence, l'annonce de fondements à la morale, la métaphysique ou quelques autres fondements que ce soit! Malheureusement, ces fameux fondements ne se laissent pas débusquer, pour la raison qu'ils sont introuvables. L'éditeur (le critique) se retrouve avec l'impossible mission de décréter ce qui est bon et ce qui ne l'est pas.
Évidemment, il ne peut que se tromper, souvent lourdement. Je ne citerai que l'exemple illustre de Gide refusant Proust, mais les cas d'acharnement, d'insultes ou d'incompréhension abondent. L'erreur de Gide s'explique, non par l'inattention ou le contre-sens, mais parce que Proust était un artiste incomparablement supérieur - insoluble au talent. Gide, non seulement ne pouvait comprendre Proust, mais il ne pouvait que le détester. Sa lecture éditoriale accouchait d'une redoutable indigestion : ces bouchées s'avéraient trop indigestes pour la complexion de son estomac délicat et raffiné.
Le seul test pour vérifier la valeur du goût est le temps. L'argument de Nietzsche selon lequel tout son génie se trouve dans ses narines est sans fondement. Il suffit pour s'en assurer de constater quel traitement injuste il réserva à Zola - de même que la perspicacité avec laquelle il stipendia la graphomanie de Sand ou célébra la pensée de Schopenhauer. Comment se fait-il que seule la distance temporelle autorise la lucidité du jugement là où l'immédiateté sanctionne si souvent le médiocre aux dépens du valeureux?
Sans doute les modes faussent-elles le goût majoritaire, en particulier de ceux qui, formatés par la réussite, épousent les contours de la mode sans s'en apercevoir le moins du monde. Qu'est-ce que la mode? L'idée qu'une certaine apparence correspond au réel. Mais aussi que cette apparence ne fait qu'un avec l'ordre tant escompté. Rien n'exprime mieux le caractère éphémère et relatif du sens que la mode. Raison pour laquelle cette grande mystificatrice s'emploie-t-elle à se faire passer pour l'incarnation idéale du Sens éternel et enfin subsumé.
Sans doute est-il nécessaire pour échapper à la mode de subir les contraintes forcées d'un décalage aussi violent que décapant. Nietzsche ne réussit à écrire que malade, nomade et isolé - tout comme Proust, qui serait demeuré l'éternel Ecrivain Mondain (qui se soucie de Paul Bourget de nos jours, soixante-dix ans seulement après sa disparition?) s'il n'avait eu l'occasion forcée de rompre avec le monde. Pas de description hilarante du snobisme sans rupture préalable avec le vain Faubourg et les vingt salons estampillés littéraires!
Même ce décalage ne garantit-il pas la sûreté du goût. Car il appartient à la bizarrerie du réel de rendre impossible l'objectivité (on ne peut être juge et partie, énonce un profond adage). Le plus sûr signe qu'on se situe, sinon dans la vérité, du moins dans une certaine profondeur, soit au-delà de la mode, demeure le critère des réactions provoquées (la provocation ne se situant pas toujours où l'on croit). S'il n'était qu'ineptie? L'indifférence ferait l'affaire! Dans les autres cas, la colère ou l'admiration se manifestent comme les affres de la curiosité. L'indignation est le révélateur qu'un malin poil à gratter dérange. Que voulez-vous? Certaines démangeaisons méritent d'être approfondies...

Je joins à cette note, que j'espère point trop haineuse ou mesquine, la notice biographique que consacre Wikipédia à l'immmortel Paul Bourget, contemporain de Proust. Elle est sûrement approximative, mais indique aussi le décalage entre les emballements d'une époque et les jugements de la proche postérité.

Paul Bourget (Amiens, 2 septembre 1852 - Paris, 25 décembre 1935) est un écrivain français.

Paul Bourget est l'un des grands romanciers de la fin 19ème-début 20ème siècle. Le célébre critique littéraire Pierre de Boisdeffre remarque que "qui voudra évoquer nos moeurs entre 1889 et 1914 devra recourir à des documents comme les romans de Paul Bourget".

On distingue deux périodes de Paul Bourget, avant et après son retour au catholicisme (1901).

Sont représentatifs du premier Paul Bourget et de son talent à étudier la psychologie humaine, sans la juger : Cruelle énigme, Cosmopolis, André Cornélis, Mensonges - inspiré du calvaire amoureux d'Octave Mirbeau -, et du second Paul Bourget : Le Disciple, L'Étape, Le Démon de midi, Nos actes nous suivent.

Le Disciple (1889) est particulièrement caractéristique de l'évolution de Paul Bourget; sans être encore le livre d'un chrétien, ce roman met les préoccupations morales au premier plan. Paul Bourget y développe longuement la question de la responsabilité, notamment celle de l'écrivain, du philosophe, responsable des conséquences de ses écrits . "Peu d'ouvrages de cette nature, note Victor Giraud, ont eu sur les esprits, sur les âmes et sur les consciences mêmes, pareille action, ont déterminé pareil ébranlement".

À partir de ce roman (et de sa célèbre préface), Paul Bourget se fait donc, peu à peu, plus moralisateur que moraliste et propose des types de personnages, aux traits parfois poussés à l'excés, dont les actes sont analysés au regard de la morale, le plus souvent chrétienne. Paul Bourget restera alors, jusqu'à sa mort, fidèle au roman à thèse.

Le ton sentencieux et les positions traditionnalistes adoptés par Paul Bourget dans ses romans lui attirèrent de nombreuses inimitiés dans le milieu littéraire, dont celle de Léon Bloy qui le méprisait cordialement.

L'action des romans de Paul Bourget se déroule généralement sur une très courte durée (quelques jours) et la description minutieuse de la psychologie des principaux personnages y tient une place prépondérante. Ces romans ont le plus souvent pour cadre ce que Paul Bourget nomme « le monde », c'est-à-dire la noblesse ou la grande bourgeoisie, dont il décrit les mœurs et les travers.

Avec Henry Bordeaux et René Bazin, Paul Bourget est l'un des « 3B », auteurs dits de référence pour les « traditionalistes » du début du XXe siècle.

Il est élu membre de l'Académie française en 1894. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris .

2 commentaires:

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