mardi, février 27, 2007

Alertes cliniques

La clinique des Lilas traverse une petite crise passagère qu'elle résoudra vite puisque personne ne veut contempler l'horrible vérité. Son service de médecine générale, qui accueille les cancéreux contraints à l'hospitalisation et les vieillards proches de la mort, est traversé par de sérieux soubresauts : à l'instigation de la direction et de la surveillante générale, fraîchement débarquée, une aide-soignante s'est fait virer. Une prénommée Hannaé. Quarante ans, trois enfants, un mari.
Scandale! Dix lettres de collègues, aide-soignantes ou infirmières, l'accusent, en sus des multiples plaintes de patients, d'avoir (ab)usé et maltraité des patients particulièrement démunis. Que l'on en juge. Hannaé insulte dès que l'occasion se présente. A une vieille dame dialysée et grabataire, elle criera : "Va falloir maigrir, grosse vache, si tu veux qu'on te remonte sur le lit!".
Elle gifle, elle menace, elle vitupère, sous l'oeil complaisant de certains collègues et les plaintes trop timides des plus scrupuleux. Personne ne tolère la lucidité : alors qu'Hannaé pratique la maltraitance la plus odieuse, l'ensemble du service préfère se taire que d'engendrer un scandale. On craint par trop que le boulet se commue en boomerang et revienne incriminer les courageux dénonciateurs d'une situation qui ne pleut plus durer et qui pourrit en attendant d'être démasquée.
Le clou du spectacle? C'est la surveillante générale qui l'apprend de la part d'une aide-soignante qui déteste Hannaé : Hannaé n'a pas hésité, en présence d'une aide-soignante complice et d'une infirmière comparse, à prendre en photo une déficiente mentale légère, à la tutoyer de façon méprisante et à lui laisser entendre qu'elles portaient toutes deux le même prénom. A l'époque, l''aide-soignante et l'infirmière présentes n'ont rien trouvé d'anormal à redire. Pis, elles hurlent à présent au complot et au lynchage : Hannaé voulait bien faire!
La surveillante générale a vu rouge. La direction aussi. Il aurait été inconcevable que la réputation irréprochable de la clinique des Lilas pâtisse de cette glauque affaire. Et si les médias pointaient le bout de leur nez? Ne pas agir aurait été assimilé à de la complicité, voire de la non-assistance à personne en danger. La direction a privilégié l'hypocrisie médiane : mettre à pied l'impétrante sans la poursuivre.
L'intéressée n'a pas apprécié. Sur le point d'affronter son terrible reflet de perverse usant ses nerfs sur les patients les plus faibles, les plus accaparés, elle a décidé de se défendre. Elle déprime. Elle menace de se suicider. Bien entendu, Hannaé n'a pas eu besoin de trop pleurer pour se voir défendue par les bonnes âmes du service. La plupart refuse de suivre. Chacun ne sait que trop les torts de la collègue. On a beau protester (avec raison) que le patronat et les actionnaires spolient, il ne s'agit pas non plus de défendre l'indéfendable! D'ailleurs, c'est ce que les syndicats de la clinique, d'ordinaire prompts à faire sentir l'âpreté de leur contre-pouvoir, ont affirmé : Hannaé est allée trop loin dans l'illégal (puisque la jurisprudence a remplacé la morale).
Il ne lui reste plus qu'à compter sur la mansuétude sadique de celles qui, pour des raisons personnelles, confondent solidarité avec justice. Les belles et bonnes âmes s'empêtrent les pieds dans le tapis. Il est courageux et noble de défendre une collègue en proie à d'odieuses calomnies - il est déplorable de jouer les justiciers au nom du corporatisme qui ne dit pas son nom. Pourquoi Hannaé est-elle défendue contre l'évidence? Pourquoi les grands criminels reçoivent des lettres transis d'amour de prétendantes sérieuses et déterminées prêtes à braver les barreaux de leur prison à vie?
La morale de cette histoire? La violence a encore de eaux jours devant elle. Tant que la majorité préférera se taire que de l'affronter, elle n'a en fait aucun souci à se faire. Elle protégera son terrible secret : le roi est nu! La violence n'est faible qu'une fois démasquée. Sa seule puissance est de se travestir. La violence se fait passer pour une victime et le grand public marche dans le panneau! Aveugle et sourd, comme un borné qui ne veut ni voir, ni entendre, il confond le bourreau et la victime qui n'a rien demandé. Celle qui paie les pots cassés. En l'occurrence, les malades seraient les bouc émissaires idéaux du sadisme et du mal-être de certains soignants. Voilà qu'on découvre les gémissements et les plaintes qu'on feint de ne pas discerner du fin fond des maisons de retraite ! A quand la reconnaissance de la perversité comme violence et non comme puissance fascinante et attractive?

2 commentaires:

voyance par mail gratuite a dit…

Je suis vraiment fier de vous découvrir, votre blog est vraiment super ! J’aime bien son interface, et j’ai trop adoré le contenu aussi. Surtout continuez ainsi !

Anonyme a dit…

Un excellent bravo pour un excellent sujet et un excellent blog !!!

voyance gratuite