dimanche, février 11, 2007

Telle mère, telle fille !

Episode 2.

Au premier abord, le fils est un type d'autant plus sympa qu'on ne pourra pas lui reprocher d'avoir tout réussi comme sa soeur. Le robot était une machine à tout réussir du premier coup. Le moins qu'on puisse dire est que le fils est une machine à tout rater à tous les coups.
D'ailleurs, c'est le qualificatif qui lui convient le mieux, raté. Le fils a été programmé pour incarner ce qu'était l'homme, pour personnifier jusqu'au paroxysme à quel point mal et mâle se livraient une concurrence métaphysique sur leurs origines communes.
Si vous voulez découvrir la complexion d'un raté, en profondeur, ne vous précipitez pas pour observer à la dérobée le clochard moribond de votre centre commercial préféré, détruit par sa marginalité sociale et psychologique. Allez boire un coup avec le fils. La première impression qui vous assaille est celle d'un dilettante sympathique. Un brin caustique, il vous donnera rapidement la saveur d'un incoulable velléitaire. D'ordinaire, on aime les velléitaires dans la mesure où ils rehaussent la représentation de sa propre volonté. Vous reprochiez-vous votre paresse de travail?
En contemplant le fils, vous perdrez tout complexe de cette nature. La fille était un bourreau de travail mimétique. Le fils est avant tout le bâtard avorté du ressentiment. Incapable de seulement haïr, le fils est impuissant face à la situation impossible dans laquelle il demeure coi comme un poisson dans son bocal. Programmé pour tout rater, il remplit à merveille sa mission.
Il devance même toutes les prévisions et les rêves de la mère. Après tout, cette dernière n'envisageait que de prouver la supériorité de la fille sur le fils. Parvenir à ce point de ratage en devient compromettant pour sa réputation. Comment un fils peut-il dégénérer à ce point par rapport au modèle d'universitaire bourgeois qui lui était proposé?
Cet avorton avorté n'a réussi qu'à pomper une caractéristique du modèle familial : il manipule à tout rompre. Encore ne recueille-t-il l'assentiment de personne. Car la mère ou la fille manipulaient pour leur carrière sociale, affective ou professionnelle - un seul leitmotiv : parvenir à leurs fins arrivistes. Le fils, lui, n'arrive à manipuler que pour excuser ses échecs successifs et programmés.
Le fils ne réussit à récupérer un peu de puissance d'agir, soit une once de haine, que pour exiger réparation. Il veut bien être raté, à condition d'être aussi rentier.
Autrement dit : rater sans rien faire. Pas question de travailler ou de fournir le moindre effort. Le seul auquel il consente est de paraître bourgeois. C'était déjà le souci de la soeur - mais elle travaillait, elle. Le fils sait trop que si la famille le regarde de travers, c'est moins à cause de ses goûts de luxe que de sa dégénérescence sociale. Ne pas travailler n'est pas une exigence acceptable, même quand on est le bouc émissaire de la haine maternelle.
L'important est de sauver la face. Justement, le fils ne sauve rien. Il plonge. Il s'est enfermé et enferré dans une logique folle où qui perd gagne. Il s'est assuré de gagner à tous les coups, et surtout quand il perdait - c'est-à-dire la plupart du temps. Grâce à sa trouvaille, la vie est tout juste supportable. L'échec devient réussite et les désirs, réalité.
Quiconque le rencontre adhère sans réserve à l'illusion qui voudrait qu'il soit brillant, drôle, séduisant et intelligent. Justement, la mère a déchanté en constatant que, de toutes les qualités qu'elle prêtait, théoriquement il est vrai, aux hommes, son fils n'en possédait aucune.
Il ne brille qu'en superficie. La fille brille d'avoir tant travaillé pour être agrégée à l'Université. Elle a les moyens de son arrogance et de son désir de domination. Lui ne se rend même pas compte qu'il ne fait illusion qu'à lui-même et que les rares bien-intentionnés qui l'acceptent ne parviennent qu'à ressentir de la pitié pour sa faiblesse de caractère insurmontable. Voire : c'est quand ils ignorent encore la perversion qui le meut et l'émeut.
Le fils n'est pas vraiment intelligent. La fille non plus d'ailleurs, mais c'est un autre sujet. Selon la mère et toute la lignée des bourgeois qui se targuent d'avoir réussi par leurs qualités intellectuelles, l'intelligence se réduit aux diplômes que la société décerne à ses sujets d'excellence. L'intelligence, c'est le mime plus l'ordre. Le fils a beau jeu de hurler aux loups que cette définition est inepte et réductrice, lui-même y souscrit de façon grotesque en réclamant la considération intellectuelle sans le savoir inhérent.
Le fils sait séduire. Voire. Les midinettes un peu naïves qui pensent qu'un gentil garçon correspond aux critères intellectuels de la bourgeoisie sont susceptibles de tomber dans le panneau. Comme il n'est pas vraiment vilain et qu'il prend soin de s'habiller avec des marques cooptées par la télévision et la pub, le fils s'est concocté une apparence de gendre idéal pour fille de professeur de lycée. Il entretient sa belle apparence en lisant Libération et en portant de fines lunettes dorées - comme la vie qu'il promet aux soupirantes de son soupirail affectif.
Las! Le fils est l'archétype sidérant d'une catégorie psychiatrique peu reconnue. Alors que les films, téléfilms et autres séries ont fait leurs choux gras et leur beurre des violeurs, psychopathes, sociopathes, tueurs en série et grands criminels, qui supposent l'énergie et la grandeur du diable, et fascinent les (télé)spectateurs, peu de gens sont au fait de l'existence répandue et non reconnue des petits pervers. Ces ratés endeuillent pourtant le quotidien en pourrissant la vie de leurs proches par leur harcèlement incessant. Le fils n'aurait pu prétendre à un rôle de grand pervers. Il lui aurait fallu une énergie dont il ne dispose pas. Il est trop attaché au confort pour la vie de bandit. Du coup, sa cible préférée est ciblée : rendre la vie impossible à ses copines.
Raison pour laquelle il a la réputation d'être invivable et instable. Une sainte, même canonisée par le Vatican, ne le supporterait pas trois ans. Les femmes sont les premiers réceptacles sur lesquels il venge et vendange les outrages que lui a fait subir sa mère. Puisqu'il faut bien que quelqu'un paie, les innocentes créatures s'acquittent de la facture à leur corps défendant!
Elle est particulièrement salée la facture, à en juger par les états dans lesquelles il les plonge, passé l'état de grâce de la lune de miel. Quel fiel! Sa perversité est si incurable qu'elle confine à la folie. Mélange d'hystérie et de paranoïa sévère, elle tend à opérer la plus extraordinaire transmutation jamais entreprise par un alchimiste : transformer le plomb en or.
Dans son cas, il s'agit que l'autre paie son ratage. Les sentiments pour le fils sont trop troubles pour échapper à la vengeance. Le fils attend de ceux qu'il aime qu'ils endossent les affres de ses échecs et qu'il récupère leur dépouille en échange. Le fils est un coucou. Un vampire. Un parasite. Il incarne toutes les figures de ceux qui volent l'identité des autres pour s'installer dans leur peau et quitter leurs oripeaux.
La tragédie du fils est de ne vouloir que l'unique chose qu'il ne peut obtenir. Soit d'être ce qu'il n'est pas. Toujours cette vieille névrose qui le pousse à l'insatisfaction carabinée! Malheureusement, personne n'a jamais réussi à quitter le fil de sa vie pour endosser celui d'une autre - fût-il le fil du fils. D'ordinaire, les gens sont toujours heureux d'être ce qu'ils sont et ne voudraient pour rien au monde ne pas être eux. Le fils est un monstre de vouloir le plus sérieusement du monde troquer son existence contre celle d'une autre!
Curieusement, au lieu de consentir à assouvir le marché de dupes, les copines fuient en découvrant le pot aux roses. Elles exigent même qu'il disparaisse et s'abstienne de les harceler. Elles prient de ne plus croiser son regard et son chemin. Elles pleurent le jour maudit où elles l'ont rencontré et où elles ont cru qu'il était un mec bien.
En découvrant à leurs dépens sa folie et ses crises d'hystérie, ses reproches virulents et sa perversion, elles comprennent que ce qu'endure la mère n'était pas de l'ordre de la plainte victimisatrice. Le fils se venge de la réussite de la fille en lui menant la vie impossible, en l'insultant, en lui faisant des scènes où la violence verbale le dispute à l'agression physique. Comme si ce n'était pas assez effrayant de le voir jeter des verres sur le plancher, casser des portes à coups de poings, il faut avoir le courage d'observer avec quelle science il trouve les mots justes pour atteindre sa mère de la fine pointe de son sadisme à jamais insatisfait.
Pour l'instant, seuls ses amis le trouvent encore drôle. Bizarre, un peu égoïste, mais drôle. Il a l'humour du raté, soit des traits d'esprit qui ressortissent du désespoir. Soulagé dans le fond de constater que son petit jeu social ne le condamne pas encore à se dévoiler devant ses amis, qu'il sauve la face auprès de ceux qu'il estime, il est prêt à tout pour maintenir le jeu de dupes. Comme les bruits de ses crises et délires ne se maintiennent pas qu'aux cloisons familiales, comme la mère et la soeur s'indignent du scandale dont elles sont aussi les victimes, dans le jeu ironique et circulaire de cercle vicieux du bouc émissaire, il a trouvé la parade : passer pour une victime. Il faut dire que voilà bien longtemps qu'il a perdu sa fierté et que son orgueil n'exprime plus que la façade sociale dont il fait parade et assauts acharnés.
Susciter la pitié est son seul moyen de quémander l'amitié qui lui confère l'once de légitimité sociale dont il ne saurait se passer. A son stade de destruction passive, le fils pense encore que l'avenir lui appartient et que sa fuite en avant n'est que provisoire. S'il ne croit plus en lui depuis belle lurette, depuis qu'il a vu le jour en fait, il croit encore en l'avenir avec l'insouciance d'un étudiant de bonne famille qui pense que la vie est belle quand papa et maman la subventionnent.
C'est le seul moyen que la mère et son falot de mari ont trouvé pour acheter leur tranquillité. Payer un appartement rupin et les virées en ville du fils à maman avec les fils à papa pour éviter qu'il leur casse trop les pieds et les contraigne à l'envoyer chez le psychiatre. C'est quand ils admettront qu'ils financent à fond perdus un Tanguy sans les diplômes qu'ils désenchanteront et se résoudront au moins pire : lui couper les vivres. Cette difficile résolution, à laquelle la nécessité les accule, promet des lendemains qui pleurent...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton blog est superbe, que de belles idées!

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voyance a dit…

Je trouve c’est article hyper intéressants , des notions de base qui peuvent aider ..
Merci à la personne.
Bonne journée !
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