mardi, mars 06, 2007

La mondialisation et le libéralisme

Un Prix Nobel d'économie (titre qui n'est pas gage de vérité), Joseph E. Stiglitz, s'exprime sur la mondialisation dans un livre passionnant, que je n'ai pas fini de lire : Un autre monde. D'ores et déjà, les cent cinquante premières pages de l'ouvrage appellent quelques commentaires.
1) Le titre évoque mot pour mot le mouvement de l'altermondialisme. On connaît la critique de Rosset à l'encontre de l'altermondialisme : d'être utopique - l'autre désignant l'idéal. L'autre monde s'oppose à ce monde-ci, aussi peu satisfaisant soit-il. D'un autre côté, les partisans de Bové, qui incarnent la ligne radicale de l'altermondialisme (sûrement pas à leurs yeux et à ceux de quelques puristes!), ont beau jeu de rétorquer, avec raison, que le changement, indéniable, du réel, implique forcément l'espoir en l'autre. Sans quoi aucun changement ne verrait le jour.
Le critère de différenciation entre l'autre réel et l'autre irréel tient dans ses résultats. Peut-être, dans une moindre mesure, dans son exigence programmatique de perfection. On sait que tous les systèmes engendrés par la raison et qui prétendent instaurer le bonheur sur Terre débouchent à tous les coups sur de sérieuses catastrophes. Le mieux est encore d'accorder sa confiance au pragmatisme et à la modération, qui, faute de promettre la perfection (l'impossible), s'en tiennent du moins à une lente, mais certaine amélioration.
2) Justement, Stiglitz est un modéré et un pragmatique, qui n'essaie pas de réhabiliter un autre communisme, au prétexte que ceux usités seraient des trahisons de la théorie, et qui n'essaie pas davantage de céder aux sirènes du libéralisme outrancier. L'altermondialisme de Stiglitz est de facture très classique. C'est la social-démocratie dont les applications appellent des nuances en fonctoin des contextes historiques ou géographiques dans lequels elle s'applique.
Le courant que dénonce Stiglitz est puissant. C'est celui qui régit la mondialisation. Appelons-le ultralibéralisme. Il consiste à penser qu'il est inutile de penser en termes de politique et que la providentielle main invisible s'occupera d'harmoniser les échanges internationaux avec plus de justesse et de justice que tous les raisonnements humains.
Le problème est que les faits donnent tort à cette théorie qui fait le part belle au commerce débridé et à la recherche du profit. Car Stiglitz a beau jeu de rappeler le résultat constant de ses recherches. Toutes ont montré que la main invisible est l'argument idéal qui empêche de voir la triste réalité. Derrière la régulation de la fameuse main invisible, il serait naïf de penser que l'intervention humaine est inexistante. Comme si les capitaines d'industrie n'influaient pas sur l'échange des informations, le poids des négociations ou les politiques de mondialisations! C'est peu dire que de rappeler que la main invisible est un leurre.
3) En s'appuyant sur la réussite indéniable (quoique parfois mouvementée) des économies asiatiques, Stiglitz définit le critère de leur réussite. Non d'avoir suivi les recommandations dangereuses de l'OMC, mais d'avoir impulsé une politique intelligente encadrant le développement économique. Tout l'inverse du programme ultralibéral, selon lequel le politique ne compte pas et s'efface devant l'économique. La réussite des pays asiatiques fut conditionnée par les exportations et non par l'ouverture des marchés aux droits de douanes et au commerce étranger. C'est une leçon à méditer pour l'Afrique si elle veut profiter des investissements chinois sur ses terres (pour l'instant unilatéraux).
4) Une fois de plus, les inspirateurs de l'ultralibéralisme sont les premiers à ne pas respecter les accords qu'ils signent de la plus hypocrite des manières. Je ne prendrai pour exemple que la duplicité des Etats-Unis sur le commerce du coton, eux qui subventionnent leurs producteurs nationaux en se réclamant lors des traités de la main invisible. Les Etats-Unis sont un pays qui (se) joue du protectionnisme et qui n'hésite pas à faire intervenir, et avec bénéfice, l'Etat en faveur de ses entreprises le cas échéant.
5) Stiglitz montre que la signature de l'ALENA, censée créer un libre marché favorable au Mexique, n'eut pas les effets escomptés et que la main invisible (décidément!) avantage systématiquement les économies les plus puissantes et les mieux structurées, ruinant l'idée d'un développement harmonieux. L'idée que la liberté se résume à la non intervention est une conception fausse et périlleuse car elle défend insidieusement les intérêts des puissants au nom de la mondialisation et du développement.
6) Au final, Stiglitz a beau jeu de montrer que l'ultralibéralisme n'est pas un système mondial performant en ce qu'il favorise les inégalités, spécifiquement celles qui se trouvent déjà en place et qu'il prétend réduire. A long terme, l'ultralibéralisme ne peut engendrer que violences et révoltes. C'est pourquoi l'autre monde est aussi le seul monde possible. Car l'ultralibéralisme incarne en l'occurrence l'irréel et annonce le changement.
Moralité : dans les courants altermondialistes, on trouve bien entendu les excités qui n'ont rien à proposer de valable en échange du système imparfait en vigueur. Mais figurent également ceux qui sont les pierres angulaires et les chevilles du changement proche. L'autre monde ne désigne pas le monde de l'impossible, mais celui du futur.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Félicitations pour votre site Internet, je le trouve délicieux et rempli d'émotions !!

voyance gratuit

Voyance gratuite serieuse a dit…

C'est avec plaisir que je regarde votre site ; il est formidable .j'ai bientôt quatre vingt printemps et je passe du temps vraiment très agréable à lire vos jolis partages .Continuez ainsi et encore merci.