lundi, mars 12, 2007

Le plus vieux métier du monde

Si la prostitution était un métier, avec une qualification professionnelle, on trouverait des écoles de prostitution, et les plus brillantes personnes prostituées intégreraient l'Ecole Normale Supérieure de la Prostitution, sise dans les beaux quartiers proches du bois de Boulogne. On y trouverait la fine fleur des personnes prostituées, les homosexuels et les travestis, les sados-masochistes, les gérontophiles, les zoophiles, tous les représentants de toutes les catégories, en fait. Les personnes prostituées verraient leur métier enfin reconnu, perçu à sa juste valeur, célébré après des milliers d'années de brimades et d'assimilation moraliste à l'esclavage sexuel, après des âges de glace où l'on a considéré la prostitution comme une activité nécessaire, mais inassimilable à toute politique.
Depuis que la société occidentale a opposé l'esprit critique à la tradition, le mythe de la libération sexuelle a plus tendance à occulter le problème qu'à le résoudre. La libération sexuelle n'a pas affronté le vrai problème tapi au coeur de la violence : celui de la violence qui meut l'être humain et n'en fait certainement pas un animal gouverné par la raison. Cette fameuse libération évoque plus la porte d'entrée de la prison qui ne dit pas son nom, quand elle ne prétend pas indiquer la sortie, que l'évasion réussie. En attendant que la libération sexuelle ne se contente pas de révoquer les interdits de la tradition comme si les tabous ne cachaient que des illusions dépassées, ladite libération demeurera un voeu pieu, qui aura accouché de quelques progrès incontestables, mais, la plupart du temps, d'un dangereux aveuglement.
Ce n'est pas parce qu'on décrète que la mort n'existe pas que l'on ne mourra plus.
Pourquoi ne trouve-t-on pas d'études en prostitution? Parce que la prostitution n'est pas un métier. C'est même un acte qui échappe à l'argent et qui échappe tellement à la rationalisation que nos sociétés de libération critique peinent à lui donner un sens cohérent. Toutes les voix se mêlent, dans une discorde qui serait joyeuse et salvatrice si elle ne ménageait pas la possibilité, au milieu de l'indulgence débonnaire, des activités les plus criminelles.
Moi qui croyais que le mérite et le propre d'un apprentissage professionnel était d'apporter un savoir-faire! Moi qui pensais qu'on ne s'improvise pas plus boulanger que magistrat et qui admirais l'artisan et l'intellectuel! Je sais bien que la formation n'est pas le chemin indispensable qui mène à la maîtrise. Qui aime la menuiserie en amateur éclairé peut fort bien faire un excellent menuisier à ses heures perdues ou gagnées. Dans tous les cas, avec ou sans diplôme, on ne parvient à aucune compétence sans apprentissage, y compris autodidacte.
En matière de sexualité, les choses se révèlent assez différentes. Pourquoi la sexualité a-t-elle toujours échappé à la formation et la professionalisation? Non que l'expérience sexuelle soit négligeable dans la pratique, tant s'en faut. Mais, à moins d'être atteint d'impuissance ou d'avoir fait voeu de chasteté, la sexualité est la chose la mieux partagée des hommes. Sans crainte de se tromper, on peut affirmer que le sexe est le propre de l'homme. 100 % des gagnats ont tenté leur chance!
L'accès à la sexualité est universel depuis la naissance et jusqu'à la mort. La sexualité n'est certes pas le seul moyen d'éprouver du plaisir à vivre, mais il est celui qui permet d'assurer la reproduction.
A moins de considérer que la vie dispense une formation biologique continue et tacite, il est hautement improbable de ramener les manifestations de la vie à une dimension professionnelle. Pour ce faire, il faudrait que la sexualité accouche en premier lieu du plaisir. Je crains fort que ce point soit contestable et que l'idéologie du plaisir sexuel comme horizon absolu et indépassable soit un fantasme pour nous divertir des bornes si étriquées et si peu satisfaisantes de l'existence. Si le plaisir sexuel s'obtenait de manière mécanique, la question de son apprentissage pourrait se poser en toute rigueur. Malheureusement, on sait que le plaisir sexuel ne peut se définir de manière cohérente que partagé et que ce partage obéit à des lois complexes, faisant intervenir les sentiments et l'expérience de partenaires éprouvés.
Le sexe est au-dessus de la politique en ce que c'est la politique qui sert la sexualité. Au lieu de ce postulat qui a au moins le mérite d'expliquer que toute interrogation sérieuse sur la sexualité accouche de l'indicible, l'homme, autant par dépit que par démesure, cherche à instaurer le primat de l'argent et à caser dans sa hiérarchie le sexe et l'art. Bien du courage! Il est curieux que l'homme compense la perte des valeurs par le totalitarisme de la raison : soit le fait de considérer que le raisonnement humain, cette manière de chercher des principes avant que d'agir, est la faculté la plus importante du monde et qu'elle domine et les comportements humains et le réel qui l'environne.
Cette simplification abusive n'est pas sans engendrer quelques inconvénients, au premier rang desquels l'incroyable masse de destruction qu'elle occasionne. L'homme est capable d'organiser la sexualité au mieux (ce qui n'est pas le cas présent), il n'est certainement pas en mesure de rendre la sexualité absolument rationnelle. C'est pourquoi la récente manière de professionnaliser la sexualité n'est rien d'autre que la faiblesse démagogique que les puissants oppposent aux envies de finitude qui assaillent l'homme depuis qu'il s'est mis martel en tête de détruire le réel au profit de sa propre émanation.
Ce faisant, la modernité ne se rend pas compte que la professionnalisation du sexe, aussi contradictoire soit-elle, rejoint l'ancien totalitarisme qui consistait à accepter qu'une catégorie de victimes paient pour la violence au coeur de la sexualité. Le sacrifice sexuel n'est pas le moindre des sacrifices. Il est seulement le moins remarqué, tout simplement parce qu'il est celui qui dérange le plus nos représentations du réel.
La différence? L'ancien totalitarisme avait sur ce point le mérite de la franchise. La pute était une salope et une créature du diable, une sorcière sans danger social à condition qu'elle se trouve marginalisée. L'ultralibéralisme essaie de normaliser la marchandisation du sexe en banalisant le sexe tarifé après avoir banalisé l'art en versant des sommes exorbitantes pour un tableau de Van Gogh. Le prix de la passe ne se chiffre pas au même montant, c'est le moins qu'on puisse dire! Sans doute est-ce dû à la valeur actuelle de la vie et à ce désir démagogique d'universaliser le plaisir en le rendant accessible à toutes les bourses. Pour l'instant, l'art est trop divin pour se répandre jusqu'aux couches de la plèbe!
La prostitution serait-elle diabolique? L'universalité du sexe incline à édicter sa valeur sacrée, non à le finitudiser avec l'empressement zélé des sacrificateurs en quête de sacrilège. La modernité estime confusément que l'argent donne la mesure de toute chose et que cette tarification monétaire viendra à bout de toutes les difficultés et de toutes les peines. Je crains qu'elle ne fasse que les aggraver.
Entériner le principe de l'hécatombe, c'est tolérer la destruction de quelques milliers d'individus placés au ban de la société, dans des quartiers spéciaux, avec des régimes échappant concrètement à la loi, le tout pour satisfaire aux besoin des mâles et à la complicité des femmes. Les personnes prostituées sont le réceptacle de cette violence qui prend le nom d'amour et se nomme parfois guerre des sexes (je pense à Nietzche, Bataille et quelques autres).
On sait pertinemment que le besoin en personnes prostituées est limité à la demande très particulière des hommes qui pallient leurs carences affectives (quel sens objectif de la résolution!) ou le besoin de domination. Le fait qu'en guise de légitimation, on soit prêt à conférer à la pratique sexuelle une adjonction psychologique est certes grotesque. Je me rappelle d'une bonne émission, Le magazine de la santé, qui n'avait pas hésité à recourir, après de pénibles recherches, au témoignage douteux d'une péripatéticienne du bois de Boulogne pour laisser croire que les prestations à l'abri des buissons constituaient la meilleure thérapie pour lutter contre les problèmes sexuels, les coups de grisou ou les difficultés persistantes de la vie! Plût au Ciel que cette femme si distinguée (preuve de l'esprit de tolérance d'une émission qui se refusait à entériner les billevesées laissant croire que la personne prostituée est victime de la violence?) se fût exprimée dans la langue de Voltaire - ce qui n'était pas loin d'être son cas!
On imagine déjà la scène de cette femme qui, entre deux fellations, parvenait, par la puissance et la singularité des relations tissées avec les clients, à surpasser de très loin les théories de la psychologie moderne, les théories freudiennes, lacaniennes, jungiennes, les TCC, la psychologie de comptoir, celle de bazar, pour délivrer son savoir sexuel! Un bon coup de bite, un vidage de couilles, voilà où se situait la solution aux problèmes psychologiques! Quand je pense à tous ces gens qui se suicident alors qu'il leur aurait suffi de fréquenter une personne prostituée pour mettre fin à leurs souffrances!
Il est vrai que les actrices porno incluent dans leur promo des conseils en sexologie qu'elles n'ont aucune habilitation à délivrer sans éveiller un début d'étonnement. Bien dans l'air du temps, le sexologue présent lors de l'émission sus-mentionnée ne songea nullement à défendre la réalité prostitutionnelle. Mû par le seul impératif corporatiste, il s'empressa de contester le témoignage de la personne de grande vertu en rappelant qu'une péripatéticienne ne présentait aucune qualification pour délivrer des conseils pertinents sur le sexe.
Dispose-t-on d'ailleurs de qualifications objectives pour former des spécialistes du sexe et transformer les pratiques sexuelles en domaines de compétences avérés? Rien n'est moins sûr puisque l'acte sexuel est ouvert (sans vilain jeu de mots) à tout le monde! La sexualité est moins l'apanage de l'individu que de l'espèce, suivant le mot de Schopenhauer! Par contre, tous les désagréments que ne manque pas d'engendrer un acte, si fort qu'il implique l'ensemble de l'identité et de la personnalité, sont pour l'individu.
Il suffit à ce propos de consulter les enquêtes sérieuses qui contredisent les divers arguments-arguties que les néo-réglementaristes dispensent avec ignorance ou mauvaise foi pour exiger que la prostitution sorte de son ghetto et devienne un métier honorable - un métier comme un autre! Que l'on se rende dans certains Länder considérer l'utopie homicide de cette revendication, qui possède autant de chance d'advenir que la dictature du prolétariat ou le règne de Dieu sur Terre.
C'est dire! En attendant, il n'échappera à personne que la prostitution rapporte beaucoup (des milliards) et que l'essentiel des billets rejoint les escarcelles des organisations criminelles. Voilà sans doute la raison pour laquelle ce "métier" si rémunérateur n'est jamais l'apanage que des personnes les plus démunies et les plus détruites. S'il est vrai que la prostitution est le plus vieux métier du monde, c'est qu'elle est dans le même temps le plus dénué de toute qualification - qu'elle transcende toute politique et tout lien social.
Quel cynisme que ces subversifs de la petite semaine qui encouragent la prostitution au nom de l'intensification de la liberté (l'extrémisme libertaire cache le totalitarisme le moins attaquable)! Se rendent-ils compte que leurs arguments servent l'idée qu'il est nécessaire qu'une clique d'objets sexuels assouvissent les pulsions incontrôlables des plus fragiles représentants de la mâlitude (dans laquelle figurent en bonne place ces femmes qui auraient rêvé d'être des autres, soit des hommes)? Peu de chance que ce soit le cas! Et c'est le secret de la violence, en particulier du tabou qui entoure la prostitution, que de fonctionner à partir de la désinformation, de l'ignorance et de l'intellectualisme. Tant il est vrai que l'homme de l'habitude est enclin à ne pas trop s'approcher des pâquerettes. C'est dingue, les vilains secrets que recouvre la pelouse harmonieuse d'un pimpant jardin...

6 commentaires:

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