samedi, novembre 25, 2006

Lettre ouverte à Josyane Savigneau

Madame,

La lecture de votre article consacrée à King Kong Theory et de la tribune de Marcela Iacub m'a plongé dans la perplexité. Passe encore de lire des absurdités, il se trouve au surplus que le témoignage de Despentes était corroboré par l'avis (éclairé) d'une « féministe » dont l'apport éclatant consiste à défendre le principe de la prostitution en faisant croire que ses prises de position relèvent de la transgression.
Je me présente : je suis le (jeune) responsable de la délégation de Nancy du Mouvement du Nid. Ni moraliste, ni catho. C'est drôle, mes six années d'expérience concrète dans le milieu de la prostitution m'ont beaucoup appris, mais elles contredisent en tous points les billevesées de vos deux brillantes génies, l'une romancière de haut vol, l'autre théoricienne digne d'un Platon ou d'un Hegel!
Pardonnez-moi, je vais vous dire la vérité : Despentes est un mauvais écrivain, qui fait son beurre sur de la provocation d'arrière-garde. Quant à Iacub, il suffit de l'écouter sur n'importe quel sujet pour hausser les épaules. Hausser les épaules? Savez-vous que quand on connaît la situation objective de dizaine de personnes prostituées (toutes celles que j'ai pu rencontrer sur le trottoir ou ailleurs à Nancy), on n'a plus envie de hausser les épaules, mais de se montrer pessimiste sur l'affichage et les relais de la bêtise humaine.
Je ne m'attarderai pas sur les considérations métaphysiques de Iacub. Elles sont du niveau des anthropologues et ethnologues du XIXème siècle qui théorisaient à dessein sur la légitimité de la condition faite aux Noirs. Quand on a le cerveau d'un sous-homme... Je remarquerai que Iacub fait le jeu des réglementaristes, pour qui l'argent de la prostitution, des dizaines de milliards (mais oui...) méritent bien tous les argumentaires travestis, surtout un, bien connu des rhéteurs : face à un problème dérangeant, faites disparaître le problème pour supprimer les difficultés. Le simplisme arrange toujours les extrémistes et séduit les ignorants. En l'occurrence, il y aurait les prostituées-esclaves, victimes de réseaux, et celles qui consentiraient librement à se prostituer...
Madame Savigneau, si vous avez une fille, conseillez-lui d'enchaîner les passes libres, elles rapporteront toujours plus, et à moindre effort, que des études coûteuses et contraignantes! Inutile d'en appeler à la liberté, car on est d'autant moins libre d'un « choix » qu'on se débat dans la violence extrême. On n'est pas plus « libre » de se prostituer que de boire quatre bouteilles de mauvais rouge ou de s'injecter de l'héroïne dans les veines pour ne pas trembler (d'ailleurs, c'est bizarre, les prostituées décident souvent de se droguer quand elles se décident à passer à l'action...).
Tiens, en passant, Despentes avoue qu'avant la prostitution occasionnelle, elle connut le viol. C'est drôle, voyez-vous, son témoignage recoupe comme par enchantement toutes les enquêtes sérieuses qui montrent la corrélation entre le viol et le passage à la prostitution. Sauf que notre romancière d'exception a le courage de sortir « la tête de l'eau pour crier très fort » (je vous cite...) qu'elle s'est reconstruite par la prostitution. Heureusement, elle fait dans la nuance : « Je ne suis pas en train d'affirmer que dans n'importe quelle condition et pour n'importe quelle femme, ce type de travail est anodin », mais pour elle oui. Il y aurait donc des gens pour affirmer qu'on soigne le cancer par le SIDA, le meurtre par la pédophilie et le viol... par la prostitution.
Cet argument est tellement éblouissant que j'en demeure encore confus. A ce niveau de pénétration intellectuelle, il est clair qu'il mérite une pleine page dans un hebdomadaire à large audience comme Le Monde des livres... Soigner le viol par la prostitution, aucun psychologue, même le plus audacieux, n'avait encore osé. Désormais, on saura comment récupérer d'un traumatisme tel que le viol : par la prostitution. Soigner le mal par le mâle, avouez que même Freud n'y avait pas songé!
Voyez-vous, madame Savigneau, tenir un discours complexe sur la prostitution demande de nos jours beaucoup de courage : en rappelant que la prostitution détruit le corps, et plus encore les esprits, on ne dit pas seulement la vérité du terrain, on s'attaque à des puissances qui pèsent des milliards d'euros et dont les lobbys agissent au plus haut niveau de nos Etats. On lutte contre l'hypocrisie à la mode qui consiste à faire croire que se libérer des tartufferies consiste nécessairement à s'affranchir de toutes les influences chrétiennes.
Madame Savigneau, revenez au réel! Croyez-vous sincèrement que la prostitution n'engage chez la personne prostituée que ses parties sexuelles? Pensez-vous que regarder un film pornographique soit anodin pour un jeune esprit crédule de douze ans? A trente, petite confidence, c'est légal, mais l'effet est identique au visionnage de Baise-moi : on s'ennuie et on prie pour retrouver le génie d'un Bunuel ou d'un Lynch. On ne peut pas exiger de Despentes qu'elle soit l'alter ego de Lynch, mais on est en droit d'attendre que des polémiques ne fleurissent pas sur le scandale à « censurer » ce chef-d'oeuvre aux moins de 18 ans. On peut faire dans le subversif, mais n'est pas Pasolini qui veut.
Voyez-vous, savoir que Simenon fréquentait avec assiduité les personnes prostituées ne m'empêche nullement d'aimer les romans de Simenon. Parce que Simenon est un bon écrivain. Mais je ne comprendrai jamais que l'on fasse une telle publicité autour de Despentes. Dans cent ans, les historiens qui s'intéresseront aux femmes tenant des discours sur le féminisme du début du XXIème siècle diront en substance : « Mauvais artiste, elle trouva tous les moyens pour faire parler d'elle. Elle avait au moins compris quel parti médiatique tirer du scandale, fût-il le plus médiocre. Il y avait de la grandeur à exiger le droit de vote ou se battre pour l'égalité au travail, son combat pour légitimer un certain type de prostitution apparaît plus que douteux. »
Et vous, madame Savigneau, que pensez-vous aujourd'hui des maoïstes ou des staliniens? Voyez-vous, j'en finirai sur ces mots, je suis loin de penser que je suis sans défaut, mais parmi les rares choses dont je sois fier dans ma vie, il y en a une, irréfragable, dont mon honneur se réclamera toujours : à mon petit niveau, j'aurai eu la lucidité et le courage de lutter contre le discours dominant (financièrement déjà, politiquement dans de nombreux pays voisins) qui consiste à légitimer un certain type de prostitution et à donner à la barbarie et au monstrueux le visage de l'admissible, du banal et du légal.
Ce ne fut pas votre cas, madame Savigneau. C'est bien regrettable.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

qu'est ce que tu en as à branler de cette journaleuse qui après avoir tout sucer se fait dégager ?

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Bonjour
Merci beaucoup pour ce blog enrichit des articles intéressant
Merci aussi pour les conseils
Bon continuation !

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Merci pour ton aide, je suis toute nouvelle dans le monde de votre blog.

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J’avoue que vous faites un travail extraordinaire qui me fascine.